La hausse des taux d’intérêt, la peur de manquer d’argent ou les changements climatiques : les Québécois rongés par le stress
Un sondage révèle qu'un Québécois sur deux vit du stress et que celui-ci a augmenté dans la dernière année pour le tiers d'entre eux
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Hugo Duchaine
2023-10-28T04:00:00Z
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La hausse des taux d’intérêt, la peur de manquer d’argent ou les changements climatiques : plus d’un Québécois sur deux dit vivre du stress. Encore plus inquiétant, ce stress a aussi augmenté dans la dernière année pour le tiers d’entre eux, révèle un nouveau sondage commandé par Le Journal.
« Tout nous stresse autour de nous », remarque Christian Bourque, vice-président exécutif de la firme Léger, qui a mené le sondage au début du mois.
STRESS DANS LA DERNIÈRE ANNÉE
Depuis un an, diriez-vous que votre niveau de stress a augmenté, est resté stable ou a diminué?
A augmenté
34%
Est resté stable
59%
A diminué
6%
NSP / Refus
1%
En date du
Le tiers des répondants affirme que leur niveau de stress a augmenté dans la dernière année, une hausse marquée chez les personnes de 18 à 54 ans. Et pour plus de la moitié, ce stress les empêche même de dormir.
IMPACT DU STRESS SUR LES ACTIVITÉS QUOTIDIENNES
Au cours de la dernière année, est-ce que le stress vous a empêché de …
…dormir
…de participer à une activité sociale avec des amis / de la famille
…de manger
…d'aller au travail
En date du
Peur de manquer d’argent
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L’argent arrive en tête dans les préoccupations, que ce soit la peur d’en manquer ou la hausse des taux d’intérêt.
Une situation qu’observe aussi le psychologue Nicolas Chevrier dans son cabinet depuis sept ou huit mois, voyant une hausse des consultations à ce sujet.
« C’est un stress qu’on voit quotidiennement », lance à son tour Marie-Josée Ouimet, de l’Association coopérative d'économie familiale (ACEF) de Lanaudière.
Son organisme, qui aide les gens avec leurs finances personnelles, voit même une clientèle plus nantie désormais prise à la gorge.
D'ailleurs, un répondant sur quatre se décrit comme endetté. Et trois sur quatre affirment souffrir d'anxiété souvent ou à l'occasion.
STRESS ASSOCIÉ À DIVERS ÉLÉMENTS
Êtes-vous actuellement stressé ou non par les éléments suivants?
La montée des taux d'intérêt
La peur de manquer d'argent
Les changements climatiques
Votre santé physique
La montée de l’intolérance
L’utilisation grandissante de l’intelligence artificielle
L’augmentation du nombre de sans-abris
La possibilité d’avoir un cancer
La désinformation sur les médias sociaux
Le coût de votre logement
En date du
Climat toxique
« Avec l’été qu’on a connu, avec tellement d’événements extrêmes reliés à la météo, je pense que ça a crinqué l’anxiété climatique », soutient M. Bourque.
Tant les jeunes adultes que les aînés répondent vivre du stress en lien avec les changements climatiques.
Si le stress a longtemps été associé au travail, ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est le climat social qui rend les Québécois anxieux.
Écoutez le commentaire de Richard Martineau via QUB radio :
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La montée de l’intolérance, l’augmentation des sans-abris ou encore la désinformation sur les réseaux sociaux font grimper le stress. « Ce sont des dimensions qui frappent fort en ce moment », souligne le vice-président de Léger. Le stress causé par ces nombreux enjeux de société est plus important que celui vécu au travail, dans sa vie personnelle ou même les bouchons de circulation, selon le sondage.
« Objectivement, on n’est pas dans une époque très rassurante et l’on fait face à des défis de société importants. C’est légitime d’être un peu plus anxieux qu’il y a 10 ans », estime le Dr Chevrier.
AUTRES FACTEURS DE STRESS
Êtes-vous actuellement stressé ou non par les éléments suivants?
La circulation automobile
La dette publique
Votre travail
La conciliation vie professionnelle / vie personnelle
L’immigration
La possibilité d’une guerre nucléaire
La possibilité de subir une attaque informatique
Votre vie sociale
Votre relation avec votre conjoint(e) / votre famille
Le mouvement wokiste
En date du
Susciter de l’empathie
« Si le sondage ne suscite pas de l’empathie, ça ne va pas bien, souffle Christian Bourque de Léger. On est poqués. »
Il ajoute que même si les Québécois se décrivent généralement comme plutôt heureux, il reste tout de même une personne sur 10 qui confie être malheureuse. « Ce n’est quand même pas négligeable », s’attriste le sondeur.
Un peu plus de 1000 Québécois de 18 ans et plus ont répondu au sondage en ligne du 28 septembre au 2 octobre. La marge d’erreur maximale pour un tel échantillon est d’environ 3 %, et ce 19 fois sur 20.
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NIVEAU DE BONHEUR
Vous considérez-vous comme une personne très heureuse, plutôt heureuse, plutôt malheureuse ou très malheureuse?
Très heureuse
13%
Plutôt heureuse
71%
Plutôt malheureuse
10%
Très malheureuse
2%
NSP / Refus
4%
En date du
Le stress financier comme motif de consultation
Tant des psychologues que des conseillers budgétaires remarquent que les finances personnelles des Québécois deviennent une source de stress de plus en plus grande.
« Ça fait deux ans seulement que je suis conseillère budgétaire, mais je vois nettement l’augmentation de l’anxiété financière », lance Julie Brissette de l’Association coopérative d'économie familiale (ACEF) de l’Est de Montréal.
Elle ajoute que si les ACEF sont surtout connus pour aider les personnes plus vulnérables, à faible revenu ou suivies par des travailleurs sociaux, de plus en plus de Québécois avec de bons salaires viennent chercher de l’aide.
« C’est difficile de voir l’hypothèque augmenter, soit au renouvellement ou parce que le taux était variable. C’est un gros stress sur les épaules.»
« Le paiement peut vite doubler et pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup de marge de manœuvre, les mois passent, puis l’endettement augmente et le stress aussi », souligne-t-elle.
« Les gens commencent à le réaliser », ajoute le psychologue Nicolas Chevrier, qui voit le stress financier chez ses patients.
La psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier le remarque également. « Ce n'est pas nécessairement que les gens sont dans la pauvreté, mais ils ont des craintes d’arriver très juste », dit-elle.
Marie-Josée Ouimet de l’ACEF de Lanaudière se désole aussi de voir d’anciennes solutions à l’endettement disparaître. Avec la crise du logement et le coût exorbitant des loyers, il n’est plus recommandé de vendre une maison pour éponger ses dettes, par exemple.
« On voit plus en plus de problèmes de santé mentale, de gens qui abandonnent », admet-elle.
Le contrôle comme antidote
Nicolas Chevrier soutient qu’il ne faut surtout pas tomber dans l’évitement, mais rapidement prendre des moyens pour gérer ses finances, comme se faire un budget.
« L’antidote à l’anxiété, c’est le sentiment de contrôle »
- Nicolas Chevrier, psychologue
Photo PHOTO FOURNIE
« Il faut en parler. À des proches ou à un professionnel, mais ne pas le ruminer en boucle dans notre tête », renchérit Mme Beaulieu-Pelletier. Elle recommande aux gens stressés de s’assurer de bien dormir et de sortir faire une marche en nature, même si c’est juste le parc du coin.