Cette grenouille qui se retrouve partout au Québec est en déclin
C’est le constat de trois décennies d’observations de bénévoles qui sillonnent le Québec au printemps


Mathieu-Robert Sauvé
L’une des grenouilles emblématiques du Québec qu’on retrouve de Hemmingford à Kuujjuaq est de moins en moins présente dans la province, selon une armée de bénévoles qui traquent l’espèce chaque printemps depuis plus de 30 ans.
«On rapporte un déclin marqué des signalements de la grenouille des bois sur tout le territoire. C’est très préoccupant», explique Sébastien Rouleau, coordonnateur de la recherche et de la conservation pour l’Ecomuseum de Sainte-Anne-de-Bellevue.

La grenouille de la grosseur d’une pièce de 2$ joue un rôle majeur dans la chaîne alimentaire, selon cet herpétologue (spécialiste des amphibiens). «Tout le monde en mange: les oiseaux, les mammifères et même les autres grenouilles comme les ouaouarons», explique-t-il pour résumer son importance dans nos écosystèmes.
Le chant des anoures
S’il lance aujourd’hui ce «signal d’alarme», c’est grâce au travail de centaines de bénévoles qui suivent l’évolution de l’espèce depuis 1993. Chaque printemps, des collaborateurs de tous les coins du Québec participent à une opération de science citoyenne appelée «Suivi des populations d’anoures du Québec». Les anoures sont les amphibiens sans queue (grenouilles et crapauds).
Trois espèces sont suivies: le crapaud d’Amérique, la rainette crucifère et la grenouille des bois. Seule cette dernière est actuellement en déclin. Les observations, consistant à écouter les chants des anoures, se déroulent en deux temps durant la période de reproduction: à la mi-avril et à la mi-mai.
«Le suivi n’a pas de prétention scientifique, mais peut aider à documenter des changements dans les espèces animales, un peu comme on le fait avec les oiseaux», poursuit M. Rouleau.
Dans les prochains jours, une centaine de bénévoles partiront à la recherche des amphibiens en suivant une route de huit kilomètres. Chaque 800 mètres, ils doivent s’arrêter et noter les chants qu’ils entendent. Différentes cotes sont inscrites selon l’origine des chants, de l’individu solitaire à la chorale comptant un grand nombre d’animaux.

Pollution et perte d’habitat
Si la grenouille des bois n’est pas une espèce menacée actuellement – c’est encore un des amphibiens les plus abondants au Québec –, la baisse de ses effectifs pourrait témoigner de divers problèmes. «Les grenouilles respirent par la peau, ce qui les rend sensibles aux pesticides agricoles qui se retrouvent dans l’eau de ruissellement», cite comme exemple le biologiste.
D’autres menaces, comme le déclin des insectes dont elle se nourrit et l’introduction d’espèces exotiques, planent sur la petite grenouille.

Mais le plus grave demeure la perte d’habitat. Certains segments d’observation documentés au début du projet sont aujourd’hui des «boulevards Taschereau», déplore le coordonnateur du programme.
Une grenouille qui gèle et dégèle
- La grenouille des bois (Lithobates sylvaticus) est la plus nordique de nos grenouilles.
- On la retrouve de la frontière sud du Québec au Nunavik.
- Elle a la particularité exceptionnelle de survivre au gel en raison de ses cellules cryoprotectrices, qui empêchent la formation des cristaux de glace. Après un froid intense, elle gèle complètement et reprend sa route quand le mercure remonte et que ses membres ont retrouvé leur fluidité.
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