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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

«Beaucoup de tristesse»: Cavalia déclare faillite avec des dettes de dizaines de millions

L'entreprise cumule notamment des dettes de plusieurs millions de dollars d'argent public

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Photo portrait de Olivier Faucher

Olivier Faucher

2025-05-05T04:00:00Z
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Le fleuron québécois Cavalia jette l'éponge. L’entreprise culturelle qu’on savait en grande difficulté financière déclare faillite, achevée par des dettes s’élevant à plus de 20 millions $.

Le Groupe Cavalia a lui-même pris la décision de se mettre, avec ses sociétés sœurs, en faillite, en déposant une demande en ce sens le 25 avril dernier.

Ses créanciers lui réclament un total dépassant 27 M$, selon les documents soumis au Bureau du surintendant des faillites et obtenus par Le Journal.

Malheureusement pour les contribuables, une part importante de cette somme est de l’argent public. Des prêts de 4,4 M$ d’Investissement Québec, de 3,5 M$ de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et de 1,8 M$ de Développement économique Canada font partie des dettes.

La Caisse Desjardins du Plateau-Mont-Royal, son plus grand créancier, lui réclame 10,4 M$.

«Beaucoup de tristesse»

Selon nos informations, Cavalia a été particulièrement mise à mal par la pandémie, qui a été dévastatrice pour de nombreux acteurs de l’industrie culturelle.

Le coup de grâce aura été la fin en queue de poisson du spectacle Illumi à Laval, qui a fait l'objet d'une demande d'injonction par la Ville de Laval, car Cavalia n’a pas démantelé à temps ses installations sur le terrain appartenant à Laval. Le site est d’ailleurs toujours jonché d’équipements et de déchets liés au spectacle.

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Les installations d'Illumi qui n'ont pas été démantelées à temps font l'objet d'une poursuite par la Ville de Laval depuis septembre 2024.
Les installations d'Illumi qui n'ont pas été démantelées à temps font l'objet d'une poursuite par la Ville de Laval depuis septembre 2024. Photo Martin Chevalier

En commentant le dossier en novembre dernier, l’entreprise avait admis au Journal qu’elle était en difficulté financière.

Les choses se sont détériorées en mars dernier lorsque Desjardins a déposé des préavis de vente en contrôle judiciaire pour saisir les deux propriétés immobilières de Cavalia en Beauce et en Estrie.

«Les promesses brisées des dernières années nous ont fait mal. [...] C'est pourquoi nous vivons la situation présente, qui s’opère contre notre volonté, avec beaucoup de tristesse», a commenté Normand Latourelle, fondateur et directeur artistique de Cavalia, dans une déclaration transmise au Journal à qui il a décliné une demande d'entrevue.

Il fait vraisemblablement référence au maire de Laval, Stéphane Boyer. Ce dernier avait été pointé du doigt par Cavalia pour la manière dont Illumi s'est terminé, alors que l'entreprise et la Ville et l'entreprise n'étaient pas parvenues à s'entendre sur une prolongation du spectacle. L'administration Boyer avait nié en bloc avoir fait quelconque promesse.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

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La fin d’un fleuron

Fondée en 2002 par Normand Latourelle, Cavalia s’est spécialisée pendant près de deux décennies dans les spectacles de chevaux avec l’objectif de «réinventer les arts équestres et les arts de la scène».

Première médiatique du spectacle Odysséo de Cavalia à Montréal, le 24 juillet 2018.
Première médiatique du spectacle Odysséo de Cavalia à Montréal, le 24 juillet 2018. PIerre-Paul Poulin / Archives Le Journal de Montréal

L’entreprise a rejoint des millions de spectateurs partout dans le monde avec ses deux spectacles «Cavalia» et «Odysseo».

Sur son site web, Cavalia se décrit toujours comme «la plus grande entreprise du secteur du divertissement détenue et exploitée par des Canadiens».

À partir de 2019, elle a commencé à délaisser les chevaux pour offrir des spectacles de parcours lumineux. Ceux-ci ont été offerts à Laval et à Terrebonne, mais aussi en Ontario, à Singapour et à Los Angeles.

Le site d'Illumi Laval en 2023.
Le site d'Illumi Laval en 2023. illumi

Cavalia poursuivait ses efforts jusqu’à tout récemment pour déployer un parcours lumineux dans un parc de Huntington en Californie, suscitant une opposition citoyenne.

«En 20 ans, notre entreprise familiale 100% québécoise a réalisé près de 10 000 représentations dans plus de 100 villes à travers le monde», s'est félicité M. Latourelle.

- Avec Philippe Langlois, Bureau d'enquête

Procédures en justice avec Laval suspendues

La faillite de Cavalia force la suspension des procédures judiciaires de la Ville de Laval qui visaient à obliger l'entreprise à ramasser les installations abandonnées sur l'ancien site d'Illumi.

C'est ce qu'a confirmé dimanche Jonathan Lévesque, porte-parole de la Ville de Laval, en ajoutant que la municipalité «déplore» la situation actuelle.

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«La Ville offrira toute sa collaboration au syndic chargé d’administrer la faillite, dans le but de protéger nos droits et l’accès à notre terrain, a-t-il indiqué. Nous souhaitons le nettoyage et la libération du site le plus rapidement possible et regrettons que Cavalia / Illumi n'a pas respecté les obligations de son entente avec la Ville.»

La déclaration complète de Normand Latourelle

«En 20 ans, notre entreprise familiale 100% québécoise a réalisé près de 10 000 représentations dans plus de 100 villes à travers le monde. Au fil des ans, nos spectacles ont généré plus de 30 millions en recettes fiscales pour les gouvernements et plus de 100 millions en retombées pour la communauté.

Cependant, moins de 1% de nos revenus proviennent de subventions, une exception majeure dans un domaine souvent subventionné par l'état en faveur de quasi-monopoles et intérêts parfois étrangers, et nous sommes plutôt contraints à nous financer avec nos propres fonds et avec des prêts trop dispendieux.

Les promesses brisées des dernières années nous ont fait mal. Notre mission première est et a toujours été de créer de la magie et du bonheur pour nos spectateurs. C'est pourquoi nous vivons la situation présente, qui s’opère contre notre volonté, avec beaucoup de tristesse.

Merci de nous avoir accompagné dans nos 20 dernières années de création et, nous l'espérons, dans nos créations futures.»

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