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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

La fillette de Granby, un autre symptôme de ce qui cloche au Québec

Il est loin d’être clair qu’un tel drame ne se reproduira pas

CAPTURE D’ÉCRAN, TVA NOUVELLES
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Photo portrait de Emmanuelle Latraverse

Emmanuelle Latraverse

2025-09-04T04:00:00Z
2025-09-04T04:20:00Z
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Après six ans de débats et d’examens de conscience, on croirait qu’il n’y avait rien de nouveau à raconter sur le décès de la fillette de Granby.

La coroner Géhane Kamel nous fait la démonstration du contraire.

«Tout le monde l’a échappée», dénonce-t-elle au terme de son enquête. Et elle a raison.

Un médecin qui recommande aux parents de l’embarrer dans sa chambre.

Vingt-quatre interventions policières. Un interrogatoire où on se contente du silence de cette enfant traumatisée. La liste des recommandations interpelle tous les acteurs de l’État.

Mais le rapport lève le voile sur une réalité troublante qui perdure et qui risque de perdurer en cette ère d’austérité: les listes d’attente.

Oubliée

Le 29 avril 2019, la petite et son père avaient rendez-vous pour discuter de son éventuelle hospitalisation en pédopsychiatrie. Elle avait été diagnostiquée avec un trouble de l’attachement en janvier. Les premières références pour qu’elle soit prise en charge dataient de février 2018.

Or, le 29 avril, la petite est morte étouffée. Plutôt que d’être finalement prise en charge, elle a passé 7h ligotée avec du ruban adhésif, puis bâillonnée. Pendant qu’elle criait à l’aide, son père évaluait ses options.

Au final, quatorze mois d’attente pour une fin tragique. Quatorze mois au cours desquels elle aurait pu être soignée plutôt que de voir son état mental s’aggraver aux mains des sévices de sa belle-mère.

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Mais au Québec, en santé mentale, faut attendre.

Et ça ne s’arrête pas là. On a beaucoup montré du doigt le père, avec raison. Pourtant, dès septembre 2016, il a sollicité l’aide des services sociaux. Il attend, le climat se détériore, un autre signalement sera fait à la DPJ en février 2017.

Quand il revient à la charge, en mai, on lui affecte finalement un intervenant. Sa demande au programme Enfant-Jeunesse est encore en attente depuis huit mois!

Huit mois d’attente pour un père qui essaie de se prendre en main, dans un dossier déjà lourd! Quand l’aide arrive, il a décroché.

Mais au Québec, pour les services sociaux, faut attendre.

On ne saura jamais si une prise en charge plus rapide aurait permis d’éviter le drame. Mais on comprend facilement que ces délais ont amplifié une crise déjà grave.

Première ligne

La coroner Kamel rappelle que la DPJ devrait être le dernier recours pour protéger nos enfants.

Comme dans le réseau de la santé, on devrait avoir accès à la première ligne avant d’aller à l’urgence. Pour les enfants, les familles, la liste de programmes possibles est longue.

Agir-tôt, Enfants-Jeunesse, le gouvernement Legault a investi des dizaines de millions. Et pourtant, ça ne suffit pas. Pire, les progrès réalisés sont menacés par la vague d’austérité qui guette le Québec.

Cruellement, les enfants vulnérables doivent vivre une tragédie, voire payer de leur vie pour être entendus. Espérons que nous pourrons au moins redonner la dignité minimale à la fillette de Granby, l’appeler par son nom comme l’a fait la coroner Kamel.

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