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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

La facture salée du REM de l'Est

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Photo portrait de Michel Girard

Michel Girard

2022-02-12T10:00:00Z
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Ça suffit les baguettes en l’air ! Il est temps que les divers interlocuteurs impliqués dans le projet de construction du REM de l’Est de la Caisse de dépôt et placement se calment le pompon et se remettent à travailler en collégialité.  

Le projet du REM de l’Est a subi une méchante dégelée cette semaine.  

Dans un avis dévastateur dévoilé par La Presse, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) en est venue à la conclusion que le tronçon du REM de l’Est comporte beaucoup d’inconvénients. À tel point que d’autres options visant le remplacement de ce projet de REM doivent être envisagées, selon l’ARTM. 

Résultats : la Caisse a menacé d’abandonner son projet à moins que l’ARTM change de position ; la ministre déléguée aux Transports et responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, a affirmé que l’ARTM doit refaire ses devoirs ; le premier ministre François Legault a manifesté sa grande déception devant le rapport de l’ARTM ; il s’est fait vertement critiquer par les partis d’opposition...  

Le député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve Alexandre Leduc est allé jusqu’à dire : 

« Le REM de l’Est n’est pas un projet de transport collectif efficace, c’est un projet de développement immobilier qui sert les intérêts de la Caisse de dépôt plutôt que ceux des citoyens. »  

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Ouch ! 

RETOUR À LA TABLE DE TRAVAIL  

Un an et deux mois après avoir dévoilé les grandes lignes du controversé projet de construction du REM de l’Est, la Caisse de dépôt et placement du Québec n’est pas encore en mesure de révéler au grand jour la structure de financement de ce projet évalué à 10 milliards de dollars.  

Impossible donc pour le moment de savoir comment la Caisse et ses partenaires vont se partager l’immense facture et le capital-actions du REM de l’Est. Par partenaires, j’entends le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral par l’entremise de la Banque d’infrastructure du Canada, la Ville de Montréal, l’ARTM, Hydro-Québec. 

Les vrais paramètres financiers du projet vont être dévoilés beaucoup plus tard, à la suite d’une série d’études plus pointues que les « analyses préliminaires » ayant servi à la présente estimation de 10 milliards $.  

Selon le porte-parole de la filiale de la Caisse, CDPQ Infra, Jean-Vincent Lacroix, c’est à la suite de la phase du développement, entamée l’an passé et se poursuivant cette année, que la structure financière et le cadre tarifaire du projet seront déterminés. 

De plus, des études seront réalisées afin de définir avec précision l’achalandage bancable, d’établir le cadre tarifaire du projet. 

Le cadre financier du projet, ajoute M. Lacroix, sera confirmé lors de la clôture financière sur la base des propositions de coûts des soumissionnaires. 

ET LA VRAIE FACTURE... 

Avec toutes les contraintes que la Caisse devra surmonter pour présenter un REM de l’Est acceptable aux multiples interlocuteurs, la « vraie » facture risque à mon avis de grimper bien au-delà des 10 milliards $.  

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Est-ce que le projet du REM de l’Est, une fois restructuré, restera rentable pour la Caisse ? 

Avec le REM de l’Ouest dont la construction achève, la Caisse prévoit obtenir un rendement annuel de 8 à 9 % sur les 3,53 milliards $ qu’elle a investis en capital-actions. Un rendement qui lui rapportera de 264 à 318 millions $ par année.  

La structure du coût d’exploitation par km/passager à 72 cents pour le REM de l’Ouest est conçue de façon à ce que la contribution annuelle du gouvernement du Québec au REM représente 54 % (39,1 cents) du km/passager. Cette structure est basée sur un achalandage de 608 millions passagers/km par an.  

Selon l’année type (référence 2027, sans inflation), Québec versera cette année-là une subvention de 238 millions de dollars pour faire rouler le REM de l’Ouest.  

En passant, cette subvention annuelle de Québec équivaut presque au rendement de la Caisse !  

GROS DÉFICIT EN VUE ?  

J’ai hâte de voir quel genre de structure de coût d’exploitation km/passager sera mise en place pour le REM de l’Est, lequel sera nettement moins achalandé que l’actuel REM. On parle ici de 380 millions passagers/km par an, en 2044, à comparer à 608 millions pour le REM de l’Ouest en 2027. 

L’analyste en transport Réjean Benoît, un expert en métro léger, tramway moderne et en contrat en PPP (partenariat privé public), s’attend à ce que la contribution annuelle du gouvernement du Québec au REM de l’Est frise les 370 millions $. 

Ses calculs sont basés sur l’hypothèse d’un investissement en capital--actions de 5 milliards $ de la part de CDPQ Infra dans le REM de l’Est, à un rendement de 8 % l’an.  

Pour couvrir un tel rendement annuel de 400 millions de dollars, en plus des coûts annuels d’exploitation, d’entretien et de fonds de roulement qu’il évalue à 150 millions $, l’analyste Benoît--- évalue le coût d’exploitation par km/passager du REM de l’Est à 1,45 $.  

Si le tarif de la contribution de l’usager reste à 21 cents le km/passager (comme dans le cas du REM de l’Ouest), le REM de l’Est devrait se retrouver dans le trou de 470 millions $ par année, dont 100 millions $ à être épongés par les municipalités et 370 millions $ par le gouvernement du Québec. 

Comme on peut voir, une facture salée attend annuellement le gouvernement du Québec. Cela est évidemment en sus des milliards de dollars qu’il injectera dans le projet de construction du REM de l’Est.  

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