Publicité
L'article provient de TVA Nouvelles

La facture explose pour plusieurs chantiers d’hôpitaux du Québec: déjà plus de 1,2 milliard $ en dépassements de coûts

Huit projets réaménagement ont connu des dépenses supplémentaires, pour un total dépassant la somme du projet SAAQclic

Partager
Photo portrait de Jean-Philippe Guilbault

Jean-Philippe Guilbault

2025-09-02T04:00:00Z
Partager

La facture de plusieurs gros chantiers dans les hôpitaux du Québec a bondi dans les dernières années, entraînant des dépassements de coûts atteignant plus de 1,2 milliard $, selon les données compilées par Le Journal.

• À lire aussi: Huit projets hospitaliers qui coûtent plus cher que prévu

• À lire aussi: Où vont vos impôts: oups, ce bâtiment coûte 235 M$ de plus que prévu

Sur 14 chantiers hospitaliers en cours de réalisation, plus de la moitié enregistrent des dépassements de coûts. Ces dépenses supplémentaires représentent plus que la somme totale liée au fiasco SAAQclic et trois fois le budget total du Centre Vidéotron.

Le coût global pour ces projets a grimpé de près de 20%, pour atteindre la somme astronomique de 7,9 milliards $.

Pressé de questions par Le Journal, le CHU de Québec a dû annoncer la semaine dernière une hausse des dépenses de 418 M$ pour le mégachantier de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus

Photo Jean-Philippe Guilbault
Photo Jean-Philippe Guilbault

La direction évoque le «marché difficile» dans la construction, les hausses salariales et la rareté de la main-d’œuvre pour expliquer ces dépenses supplémentaires.

À l’Hôpital de Lachine, à Montréal, la facture du projet d’agrandissement pour des soins ambulatoires et critiques a bondi, passant de 95 M$ à 223 M$ depuis 2018, selon les chiffres compilés par le Conseil du trésor.

Publicité
Photo Éric Yvan Lemay
Photo Éric Yvan Lemay

Or, selon le système électronique d’appel d’offres (SEAO) du gouvernement, le montant total du projet atteint plutôt déjà 255 M$.

«L’inflation exerce une forte pression, explique la Société québécoise des infrastructures, qui est derrière plusieurs de ces chantiers. Également [...] plusieurs projets [...] ont connu des bonifications au projet initial comme des modifications liées aux mesures sanitaires à la suite de la pandémie».

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Contrats complexes

Pour le professeur agrégé au Département de management de l’Université Laval, Pierre-André Hudon, l’évaluation objective de ces contrats et des dépenses supplémentaires est difficile à faire.

«Il faut faire très attention à la notion de dépassements de coûts, souligne-t-il d’emblée. C’est par rapport à quoi? Est-ce qu’on s’est fait avoir? [...] Est-ce que c’est parce qu’on a mal estimé et que c’est ça, le prix du marché?»

Pierre-André Hudon est professeur agrégé au Département de management de l’Université Laval.
Pierre-André Hudon est professeur agrégé au Département de management de l’Université Laval. Photo tirée du site web de l'Université Laval

«Si je vais m’acheter une Toyota Camry avec un budget de 15 000$ et que, finalement, ça me coûte 50 000$, ce n’est pas un dépassement de coûts, c’est une mauvaise estimation», illustre l’expert en gestion de projets.

Publicité

Dans les cas de projets hospitaliers, M. Hudon souligne aussi que plusieurs corps de métiers très spécialisés dans les hôpitaux — médecins, chirurgiens, chercheurs — peuvent avoir des demandes «complexes» et «difficiles à coordonner» sur un plan.

«Construire un mégahôpital sur six ans, c’est beaucoup de risques, et donc c’est difficile pour les entrepreneurs de se positionner [au moment de conclure des contrats]», ajoute quant à lui Nicholas Jobidon, professeur agrégé à l’ENAP et spécialiste des marchés publics.

Photo Éric Yvan Lemay
Photo Éric Yvan Lemay

Certaines technologies propres au milieu hospitalier évoluent également très rapidement.

Problème d’expertise

M. Jobidon souligne aussi un enjeu d’expertise au gouvernement.

«Il n’y a pas d’école des marchés publics; 100% des approvisionneurs publics sont entrés au bas de l’échelle et ils ont appris sur le tas. C’est un des emplois les plus exigeants et surveillés, mais ils n’ont pas de ressources. Ils font leur gros possible», explique l’expert.

Nicholas Jobidon est professeur agrégé à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP).
Nicholas Jobidon est professeur agrégé à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP). Photo courtoisie ENAP

Sans vouloir parler de manque de compétence, Pierre-André Hudon souligne des lacunes dans la «capacité de gestion de la sous-traitance» de projets au privé.

«J’ai l’impression que le recours à la sous-traitance est souvent vu comme une panacée qui permet aux gouvernements de se délester de leurs responsabilités de mise en œuvre pour se concentrer seulement sur la [prise de] décision», résume-t-il.

Il pointe aussi la «culture très conservatrice» au sein de la fonction publique, avec la recherche du plus bas soumissionnaire possible.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a indiqué que dans le contexte de surchauffe du domaine de la construction qui a fait grimper les coûts, chaque dollar devait être investi de façon responsable.  

«Tous les projets de construction et de rénovation d’hôpitaux sont suivis par les experts de Santé Québec. Tout investissement additionnel doit être dûment justifié et le tout est encadré par un processus rigoureux», a-t-il écrit sur la plate-forme X.

– Avec la collaboration de Charles Mathieu

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité