La face cachée des Jeux paralympiques


Benoît Rioux
Dans un monde en ayant cruellement besoin, les Jeux paralympiques, qui s’ouvrent officiellement vendredi à Pékin, symbolisent l’acceptation de la différence, l’inclusion et la communion entre pays. Sur le plan strictement sportif, l’événement conserve toutefois un côté plutôt méconnu et injuste.
• À lire aussi: Jeux paralympiques: le Canada ne veut rien savoir des Russes
• À lire aussi: Charles Hamelin rêve à sa dernière course devant «Vivi»
«Il y a des gens dans mon entourage qui me disent : «vas-y, ramène-nous une médaille». Mais honnêtement, ça va prendre un miracle, et même plusieurs miracles, pour que je puisse grimper sur le podium», estime la Québécoise Frédérique Turgeon, qui pratique le ski para-alpin.
N’allez pas croire que Turgeon, 22 ans, n’a pas tout fait pour se présenter à Pékin au sommet de sa forme. Or, le système en place lui laisse bien peu d’espoir. Skiant sur une seule jambe, la jeune athlète originaire de Candiac se retrouve en compétition avec des athlètes qui, en raison d’un handicap différent, ont leurs deux jambes. Il existe bel et bien un système de «factorisation», mais celui-ci n’est pas parfait. À titre d’exemple, à l’épreuve du slalom, le chrono de Turgeon sera rectifié et abaissé de 3 %, mais l’injustice demeure.
«Je suis au meilleur de ma forme en ce moment, mais je n’ai pas le choix d’aborder les Jeux avec un désir de m’amuser, dit celle qui en est à ses deuxièmes Jeux paralympiques, après ceux de Pyeongchang, en 2018. C’est sûr que j’aimerais ça un jour, avoir une médaille [paralympique], mais là, je dois simplement profiter de l’expérience et m’assurer de bien la vivre.»
Malgré l’injustice, Turgeon ne veut pas se plaindre outre mesure. Elle souhaite savourer ses Jeux. Cela dit, la Québécoise demeure consciente que la situation doit être dénoncée si on espère, un jour, voir certains changements.
«Il y a une grosse conversation à y avoir, ça prendrait une factorisation qui fait un peu plus de sens», affirme-t-elle.
Présentement, ils sont nombreux à deviner que la Suédoise Ebba Aarsjoe, à titre d’exemple, repartira de Pékin avec quelques médailles d’or au cou à l’issue des épreuves féminines de ski para-alpin.
Pire en hiver...
Le sujet est délicat. Ce ne sont d’ailleurs pas tous les athlètes actifs qui osent en parler. Maintenant à la retraite, le paranageur Benoit Huot se permet d’être plus bavard.
«La situation est encore pire pour les Jeux d’hiver : il y a moins de catégories car il y a moins d’athlètes, explique sommairement celui qui agira à titre d’analyste pour Radio-Canada durant les Jeux paralympiques de Pékin. Je comprends très bien la frustration de certains athlètes.»
Autre frustration au Canada: un traitement inéquitable comparativement aux athlètes olympiques. Aucune prime à la performance n’est effectivement prévue pour les médaillés paralympiques. Encore la semaine dernière, la situation a été abordée à la Chambre des communes par l’ancienne athlète en fauteuil roulant et maintenant sénatrice, l’honorable Chantal Petitclerc. Il va sans dire que l’octroi éventuel de bourses devrait toutefois aller de pair avec l’amélioration des compétitions.
Six disciplines
Heureusement, la notion d’injustice n’est pas aussi cruelle dans toutes les disciplines. Après le grand spectacle que furent les récents Jeux olympiques, les Paralympiques, qui se poursuivront jusqu’au 13 mars, comptent un total de six sports différents. En plus du ski alpin, le parahockey, le biathlon, le ski de fond, le surf des neiges et le curling en fauteuil roulant sont au programme.
Le Canada y sera représenté par 45 athlètes, dont sept Québécois. Dominic Larocque, Antoine Lehoux et Anton Jacob-Webbs font partie de l’équipe de hockey sur luge. Lyne-Marie Bilodeau (ski de fond), Alexis Guimond (ski alpin), Sandrine Hamel (surf des neiges) et Turgeon (ski alpin) s’ajoutent à la délégation. Pour tout ce beau monde, surtout dans le contexte actuel, les Jeux paralympiques vont bien au-delà des médailles.