La DPJ sous enquête: un enfant inuit envoyé dans une famille blanche à 1600 km de chez lui

Audrey Robitaille | Journal de Montréal
La DPJ a été sévèrement blâmée par un juge après avoir favorisé le placement d’un enfant inuit à plus de 1600 km de chez lui dans une famille blanche, menant au déclenchement d’une enquête par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).
« On peut se questionner sérieusement sur le caractère systémique de ces contraventions à la loi en lien [...] avec le placement d’enfants inuits en bas âge hors territoire chez des Blancs », dénonce le juge Jacques Ladouceur dans une décision rendue il y a près de quatre mois.
Dans son jugement, il remet d’ailleurs en question les intentions de la DPJ dans le dossier d’un enfant inuit retiré de sa famille peu après sa naissance, en 2021. L’organisme semble s’être borné à favoriser le placement de l’enfant dans une famille blanche plutôt que chez des membres de sa propre famille.
« Il est facile de comprendre que pour une mère, dont l’enfant est placé dans le sud de la province, chez des Blancs, à plus de 1600 km, la situation est tragique et très souffrante », déplore le juge.
La DPJ a également interdit à la mère tout contact avec son enfant à la suite du placement, à l’exception d’appels Facetime. Un refus qualifié de « cruel et inacceptable » par le Magistrat.
Un problème « systémique »?
L’histoire de cet enfant et de sa mère ne semble pas être un cas isolé. En fait, la façon dont la DPJ a agi dans ce dossier démontre un « aveuglement volontaire » afin de favoriser les possibilités que l’enfant puisse demeurer dans sa famille d’accueil jusqu’à majorité, sans se préoccuper de la continuité de son identité culturelle.
Lorsque questionnée par le Tribunal, une assistante-directrice par intérim de la DPJ a affirmé que le but était de trouver la « meilleure » personne pour prendre l’enfant en charge, indépendamment de sa culture.
« Un enfant, c’est un enfant. Sa culture ne passe pas en premier », avait-elle ajouté, démontrant son manque flagrant de considération pour l’aspect culturel de l’enfant, selon le juge.
Étonné de ces propos « réducteurs », il a décrit le témoignage de l’intervenante comme « préoccupant » en raison des fonctions qu’elle occupe et de sa position hiérarchique.
« Le Tribunal se permet de dire que la présente situation est troublante et potentiellement systémique et qu'une intervention de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse apparaît nécessaire », a déclaré le juge.
Recommandations
Devant les actions questionnables de la DPJ, la Cour a tranché en faveur de la mère et de l’enfant, dont les droits ont clairement été bafoués, d’après le Tribunal. La DPJ devra donc entreprendre des démarches quant à l’existence d’une famille d’accueil inuite pour l’enfant, et devra privilégier les contacts entre l’enfant et sa famille biologique.
Le juge a également fortement recommandé à la DPJ qu’une session de formation concernant l’histoire et la culture du peuple inuit soit mise en place et que celle-ci soit dispensée à tous ses employés actuels et futurs.
À la suite de ces recommandations, la CDPDJ a confirmé avoir ouvert une enquête considérant le caractère potentiellement systémique relativement au processus ayant mené au placement d’enfants inuits dans des familles d’accueil allochtones.
« L’enquête est en cours, mais nous ne pouvons pas faire d’autres commentaires pour le moment », a déclaré Meissoon Azzaria, coordonnatrice aux communications de la CDPDJ.
Ce que le juge en pense...
« Imaginons la situation inverse. Un bébé de quelques mois est retiré par la DPJ de son milieu maternel allochtone et est placé dans une [communauté autochtone] située à plus de 1600 km de distance aérienne et les seuls contacts qu’on offre à la mère sont des contacts Facetime. De toute évidence, on crierait au scandale! »
« La connaissance par la DPJ de l'impact de ses agissements sur la rupture potentielle du lien d'attachement est indéniable. Prétendre le contraire équivaut à conclure à l'ignorance par la DPJ des principes de base en matière de développement de l’enfant. »
« La façon dont la DPJ a agi démontre une intention ou un aveuglement volontaire afin de favoriser les possibilités que l'enfant placé dans la famille actuelle puisse y demeurer idéalement jusqu'à majorité, et ce, sans se préoccuper des considérations légales importantes auxquelles elle est tenue de se conformer en ce qui concerne les enfants Autochtones. »