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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

La deuxième sentence de Pete Rose

Pourquoi ne pas le rendre admissible au Panthéon du baseball en janvier prochain?

Photo d’archives, AFP
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Photo portrait de Marc de Foy

Marc de Foy

2025-05-14T19:30:00Z
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Le pardon accordé à Pete Rose par le baseball majeur comporte un côté pernicieux. Non seulement le commissaire Rob Manfred a-t-il attendu huit mois après le décès de Rose pour annoncer la nouvelle, mais c’est comme s’il y avait une deuxième sentence dans ce pardon.

La réintégration du disparu s’accompagne d’un délai de trois ans pour sa première année d’admissibilité au Panthéon du baseball. C’est le sursis habituel pour un joueur qui vient de prendre sa retraite.

Mais le dossier de Rose n’est-il pas exceptionnel?

Pourquoi son nom ne figurerait-il pas sur les bulletins de vote lors du prochain scrutin en janvier prochain?

Le cas «Shoeless» Joe Jackson

J’ai fait longtemps partie des opposants à la réinsertion de Rose dans les cercles du baseball. L’homme s’était moqué d’une règle fondamentale instaurée par le premier commissaire du baseball, Kenesaw Mountain Landis, dans la foulée du scandale des White Sox de Chicago en 1919.

Malgré un verdict de non-culpabilité d’une cour de justice, Landis avait banni à vie les huit joueurs des White Sox soupçonnés d’avoir accepté un montant de 5000 $ chacun pour s’avouer vaincus en Série mondiale face aux Reds de Cincinnati.

C’était grave.

La décision du commissaire était sans appel et constituait un avertissement clair. Quiconque répéterait cette faute serait expulsé à jamais du baseball. Au sein des huit joueurs inculpés par Landis, un ancien juge de la cour fédérale des États-Unis, se trouvait un grand du baseball de l’époque, «Shoeless» Jackson, un frappeur hors pair.

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En 13 saisons dans les majeures, Jackson a conservé une moyenne au bâton de ,356. Il a connu quatre saisons d’au moins 200 coups sûrs.

L’histoire dit qu’il aurait refusé deux fois le pot-de-vin offert par Arnold Rothstein, un parieur et bootlegger de New York qui avait ses entrées chez les politiciens et hommes d’affaires en vue de l’époque. C’était pratiquement autant que le salaire qu’il recevait des White Sox.

Le propriétaire de l’équipe Charles Comiskey était dépeint comme un avaricieux. Jackson touchait 6000$ par saison, selon le site Baseball Reference. Ça semble bien pour l’époque, mais Ty Cobb, qui était le roi des coups sûrs avant d’être devancé par Rose, gagnait 20 000$ avec les Tigers de Detroit.

L’illustre Babe Ruth, dont ce fut la dernière saison avec les Red Sox de Boston, a perçu un salaire de 20 000$ cette année-là. Son salaire a ensuite augmenté de façon exponentielle avec les Yankees de New York.

Dans les mois suivant le krach boursier de 1929, le salaire de Ruth est passé de 70 000$ à 80 000$. C’était carrément une fortune à un moment où les grandes villes pullulaient de chômeurs.

Jackson est mort à l’âge de 64 ans, en 1951, sans que son implication dans le scandale des Black Sox ait été vraiment déterminée. Mais le voilà aussi gracié par le jugement de Manfred, au même titre que ses sept anciens coéquipiers.

Sera-t-il élu?

Le fait que les paris sportifs sont légaux de nos jours pèse sans doute dans cette volte-face. Ça change la perception que l’on pouvait avoir dans cette affaire.

Le pouvoir a basculé aussi. 

Les propriétaires ne dominent plus les joueurs. Les salaires sont devenus complètement fous!

Il reviendra donc aux membres votants de l’Association des chroniqueurs de baseball d’Amérique d’étudier la candidature de Rose dans trois ans.

Sera-t-il élu haut la main?

La question se pose quand on sait que les joueurs ayant fait usage de produits dopants et dont les noms sont inscrits sur les bulletins de vote attendent encore sur le parvis du panthéon, à Cooperstown.

La liste comprend des noms qui auraient normalement leur place au panthéon. Pensons à Barry Bonds, à Roger Clemens et à Mark McGwire.

Les électeurs auront-ils le pardon plus facile pour Rose?

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