«La culture va disparaître»: il dénonce l’achat de légumes chinois par l’État
Les producteurs de légumes payent le prix de la décision de Québec d'acheter des légumes à l'étranger pour des hôpitaux

Francis Halin
Un producteur québécois de haricots ne digère pas que l’État achète des légumes chinois moins chers plutôt que les siens pour les hôpitaux et les écoles.
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«C’est plusieurs milliers de dollars de pertes si je n’ai pas ce contrat-là l’an prochain», prévient le producteur de haricots Pascal Forest, de Saint-Jacques, dans Lanaudière.
En passant sa main sur ses plants de haricots, l’agriculteur lève les yeux vers le ciel.
C’est que l’an passé, le transformateur québécois Nortera a perdu un gros contrat d’approvisionnement des hôpitaux de l’État québécois au profit d’un distributeur qui va aller chercher ses légumes... en Chine.
«Qu’ils nourrissent les personnes âgées, les enfants dans les écoles et les gens dans les hôpitaux avec des affaires pas chères des Chinois et ici la culture va disparaître», s’exaspère Pascal Forest, qui préside les Producteurs de légumes de transformation du Québec (PLTQ).
Selon eux, Québec ne devrait pas acheter des brocolis, choux-fleurs, oignons, carottes et haricots qui ont poussé dans des conditions qui n’ont rien à voir avec les nôtres.

Économie «sacrifiée»
Fermetures d’usines de transformation, pertes d’emplois locaux et délocalisations de la production sont au menu si rien n’est fait, soutiennent les membres de l'organisation.
À une vingtaine de kilomètres de la ferme de Pascal Forest, le préfet de la MRC de Montcalm, Patrick Massé, ne mâche pas ses mots lui non plus à l’endroit du gouvernement.


«Nous sacrifions notre économie régionale et fragilisons nos familles qui travaillent la terre», dénonce l’élu, qui a une dizaine de municipalités agricoles à 70% sur son territoire.
Il estime que «l’argent du Québec doit demeurer au Québec».
«On avait de gros contrats ici, maintenant c’est rendu en Chine. Changeons les critères tout simplement», demande-t-il.
On fait des efforts...
Sollicité par Le Journal, le Centre d’acquisitions gouvernementales (CAG), qui a pour mission «de fournir aux organismes publics les biens et les services», a refusé de répondre à nos questions.
L’organisation a renvoyé la balle au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), qui s’est défendu en disant avoir fait des efforts en lançant une stratégie.

«Ce sont aujourd’hui plus de 1500 établissements publics qui se sont engagés à acheter québécois, ce qui se traduit par une présence accrue d’aliments locaux, notamment dans les hôpitaux et les écoles. Avant, c’était zéro. Il n’y avait pas de cible», insiste-t-on.
On mentionne que les produits non périssables passent par un regroupement d’achats, mais que les fruits et légumes frais sont achetés par les institutions publiques qui ont l’obligation de s’en tenir aux «orientations gouvernementales».
Le cabinet du ministre André Lamontagne ajoute que les accords commerciaux limitent parfois certains achats locaux.
«Le gouvernement poursuit ses efforts afin d’accroître davantage la présence d’aliments québécois dans les institutions publiques», assure-t-on.
– Avec Philippe Langlois
«C’est vraiment déplorable»: le PDG de Nortera invite Québec à... acheter québécois
Le transformateur québécois Nortera trouve déplorable d’avoir perdu un contrat de 15 millions $ de légumes surgelés des hôpitaux du Québec au profit des étrangers.
«On a été vraiment surpris. On n’a pas nécessairement compris la logique derrière ça parce que ça nuit gravement à l’économie locale de nos régions. Ça revient un peu à envoyer des millions de dollars à l’étranger», dénonce Hugo Boisvert, PDG de Nortera, qui a la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité FTQ comme principaux actionnaires.
«C’est sept millions de livres de légumes québécois par année durant deux ans qui ont été remplacés par d’autres de l’étranger et de la Chine», ajoute-t-il.

Des solutions existent
D’après Hugo Boisvert, il est essentiel que Québec actualise ses règles d’approvisionnement public pour que l’on valorise ses légumes qui poussent en Montérégie et dans Lanaudière.
M Boisvert pense aussi qu’il est possible de considérer la qualité des produits, le développement durable, la responsabilité sociale et les retombées économiques locales.
«Il y a des moyens d’enrichir les critères d’évaluations pour que ça ne soit pas seulement 100% le prix», plaide le haut dirigeant.
«Il y a des façons d’y arriver. On le fait ailleurs dans le monde et dans d’autres provinces. On n’est pas obligé d’inventer cela», conclut-il.
Notons que les importations québécoises de légumes congelés en provenance de la Chine ont doublé au cours des deux dernières années pour dépasser 25 millions $.
NORTERA EN BREF
Siège social: Brossard
Employés: 1000
Agriculteurs partenaires: 300
Usines au Québec: 4 (Saint-Denis, Sainte-Martine, Saint-Césaire et Bedford)
Source: Nortera
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