La crise ukrainienne et l’axe Russie-Chine


Normand Lester
Les sanctions draconiennes que les États-Unis menacent d’imposer à la Russie pourraient durement frapper, non seulement les oligarques et les Russes ordinaires, mais aussi avoir un effet dévastateur sur l’économie mondiale.
Plusieurs spécialistes estiment que les sanctions « rapides et sévères » contre un pays de la taille de la Russie bouleverseraient les grandes économies, dont celles d’Europe, et menaceraient même la stabilité du système financier international. La Russie riposterait presque certainement en coupant ses expéditions de gaz naturel vers l’Europe et par des cyberattaques.
Heureusement, on semble se diriger vers une désescalade. Mais quoi qu’il advienne, la crise en Ukraine profitera à la Chine. En 2014, les sanctions en représailles à l’annexion russe de la Crimée ont poussé Moscou dans les bras de Pékin. Depuis, la part de la Chine dans le commerce extérieur de la Russie a doublé, passant de 10 à 20 %. Si les États-Unis et l’Europe imposent de nouvelles sanctions à la Russie, Moscou deviendra encore plus dépendant de Pékin.
L’axe militaire Moscou-Pékin face à l’OTAN
Poutine a l’appui du président chinois Xi Jinping. Le 15 décembre, Xi a conclu un sommet virtuel avec Poutine en disant que leur « relation dépasse même une alliance par sa proximité et son efficacité ». Ils se rencontreront vendredi à Pékin, à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Pékin a soutenu la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU cette semaine.
Sur le plan militaire, la coopération entre Moscou et Pékin atteint maintenant un niveau qui se compare à celui des membres de l’OTAN. Les deux pays organisent régulièrement des exercices conjoints, collaborent dans le développement d’armes nouvelles et procèdent à des échanges de personnel militaire.
Des analystes rapportent qu’ils coopèrent également sur leur infrastructure spatiale : suivi et guidage de missiles, développement des systèmes de ciblage. Ils travaillent aussi à intégrer leurs systèmes mondiaux de navigation par satellite afin de surpasser le système américain (GPS).
Les forces armées russes et chinoises sont désormais capables d’opérer conjointement dans de vraies guerres. Si la Chine décide d’annexer Taiwan par la force et que les États-Unis interviennent, la Russie soutiendra certainement la Chine.
Connaissez-vous Halford Mackinder ? Vous devriez.
Dans l’affrontement de superpuissances pour la domination de la planète que nous vivons, la thèse du fondateur de la géostratégie et de la géopolitique, Halford Mackinder, qu’il a proposée en 1904, s’applique parfaitement.
Pour Mackinder, le globe est divisé en deux aires, le « Heartland », le centre névralgique monde, et les « terres maritimes » périphériques. Il postule que quiconque contrôle l’Eurasie centrale dominera la planète.
L’alliance actuelle de la Russie et de la Chine contre les États-Unis crée les conditions géopolitiques et géostratégiques pour que la thèse de Mackinder se réalise. Les Chinois, en tout cas, y croient. C’est manifestement dans cette perspective que s’inscrit la « nouvelle route de la soie » chinoise (Belt and road initiative) si chère au président Xi.
On verra dans les prochaines années si les faits vont confirmer la théorie de Mackinder.