La crise du logement crée des «Tanguy»
Plusieurs n'ont pas le choix de rester chez papa et maman pour se loger

David Descôteaux
Avec les prix exorbitants des loyers et la rareté de ceux-ci, de plus en plus de jeunes adultes doivent demeurer chez leurs parents plus longtemps que prévu.
En 2021, soit avant la hausse fulgurante des taux d’intérêt, 43% des jeunes adultes de 20 à 29 ans vivaient avec au moins un de leurs parents au pays. Une hausse marquée par rapport au taux de 32,1% de 1991.
Il faudra attendre le prochain recensement en 2026 pour constater l’évolution du nombre de «Tanguy» (en référence à la comédie française sortie en 2001). Mais sur le terrain, nul doute que la crise du logement en force beaucoup à demeurer chez papa et maman.
À la maison à 26 ans
Julie Lachance, 47 ans, héberge toujours son garçon de 26 ans, Justin, dans sa maison à Boisbriand. Son fils a-t-il un plan pour voler bientôt de ses propres ailes? «Son plan à moyen terme, c’est qu’il essaie de me faire acheter une maison à 800 000$ pour avoir plus de confort!» dit-elle avec une pointe d’humour.
- Écoutez le commentaire de Rémi Villemure au micro de Sophie Durocher via QUB :
Justin avait un bel appartement sur le Plateau-Mont-Royal, avec comptoir en quartz, à 950$ par mois. Il est retourné aux études et son retour à la maison devait être temporaire. Mais aujourd’hui, «ce n’est plus louable». Le loyer de son ancien logement a d’ailleurs doublé depuis.
«Je manque un peu d’intimité, mais il est aidant. Il est quand même pratique pour tondre le gazon et autres travaux!» dit Julie.
Construire son logement
Le taux d’inflation des loyers a été de 7,9% depuis un an, selon la Banque TD. Quant aux frais d’intérêts hypothécaires, ils ont bondi de 27,4%. Signe que les appartements sont rares, le taux d’inoccupation était de 1,3% l’an dernier au Québec, bien en dessous du taux «d’équilibre» de 3%.
Résultat: à Montréal par exemple, un trois et demi (une seule chambre à coucher) coûtait plus de 1500$ par mois l’an dernier.
Pour la plupart des jeunes, le plan est de rester chez leurs parents le plus longtemps possible, le temps d’économiser et d’amasser un pactole pour un jour acheter une maison.
Mais d’autres ont trouvé une réponse à la rareté des logements: créer le leur.
«Avec les taux d'intérêt et les prix en ce moment, on n'est pas à la veille d’acheter. J'ai des amis qui ont pensé à acheter en gang, mais moi personnellement, je vais construire mon logement à moi chez les parents de ma blonde. Et je connais d'autres personnes qui veulent faire ça aussi», raconte Jacob, rencontré avec trois de ses amis au salon ExpoHabitation de Montréal.
Les quatre amis font leurs études à l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie à Victoriaville, alors ils entendent mettre leurs connaissances à profit.
Les réfugiés de la pandémie
Durant la pandémie, 33% des adultes âgés de moins de 27 ans sont retournés vivre chez leurs parents, selon une étude de l'association des personnes retraitées aux États-Unis (AARP).
Mais comme dans le film Tanguy, la plupart de ces jeunes «collent» à la maison. L'étude montre que les deux tiers d'entre eux continuaient d'y vivre.
Ici au pays, 32% des jeunes ont déclaré qu'ils voulaient acheter une maison ou déménager dans un nouveau logement locatif en 2022, mais ont décidé de ne pas le faire à cause des prix élevés, selon Statistique Canada.
Le compromis
Guillaume Ménard, lui, a «négocié» avec ses parents pour louer le sous-sol de la maison familiale, qu’il a aménagé pour en faire un appartement fonctionnel.
«J’aimerais pouvoir trouver un logement pour me rapprocher de mon travail, mais c’est trop cher partout. Ici, je paye 750$ à mes parents par mois, c’est dur à battre et ça me permet d’attendre que le marché redevienne accessible», dit le jeune homme de 32 ans, qui travaille dans une boutique de vêtements.
Bonne nouvelle pour les chercheurs de logements: la Banque du Canada devrait commencer à baisser les taux d'intérêt dès le 5 juin prochain, selon Desjardins. Cela devrait aider un tant soit peu à ralentir la hausse du prix des hypothèques et des loyers.
«Devant l’atténuation des pressions sur les prix et la faiblesse de l’économie, non seulement les banquiers centraux canadiens profitent-ils d’une fenêtre pour réduire les taux d’intérêt, mais ils ont aussi la responsabilité d’alléger le fardeau des entreprises et des ménages», dit Royce Mendes, chef de la stratégie macroéconomique chez Desjardins dans une étude publiée le 31 mai.
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