«La Cour du Québec n’est pas gérée par le ministre de la Justice»: les juges en chef clament leur indépendance
Les plus importants acteurs du système étaient réunis lors de la rentrée judiciaire à Montréal


Camille Payant
Les juges en chef des différents tribunaux québécois ont tiré à boulets rouges sur le ministre Simon Jolin-Barrette, lui reprochant de remettre en doute l’indépendance de certains magistrats nommés par Ottawa.
«Non, la Cour du Québec n’est pas administrée ni gérée par le ministre de la Justice ou le ministère de la Justice du Québec, comme la Cour d’appel et la Cour supérieure ne le sont pas. Sa seule loyauté est envers la justice et envers les citoyens», s’est emporté le juge en chef de la Cour du Québec, Henri Richard, jeudi matin.

Il s’est exprimé ainsi dans le cadre de la rentrée judiciaire à Montréal, où les plus grands acteurs du système faisaient face au ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette.
«Paqueté» de libéraux
L’hiver dernier, le ministre avait reproché au gouvernement fédéral, alors dirigé par Justin Trudeau, de «paqueter» le système de justice québécois de donateurs et de sympathisants libéraux qui sont contre les lois 21 et 96 du Québec.
Les juges des cours supérieures et d’appel sont nommés par le fédéral, tandis que ceux de la Cour du Québec le sont par le provincial.
«Je ne peux que réprouver les propos qui cherchent à discréditer un juge sur la seule base de l’ordre de gouvernement qui l’a nommé. De telles insinuations font abstraction au devoir d’indépendance, d’impartialité qui incombent à tous les membres de la magistrature», a quant à elle souligné la juge en chef de la Cour d’appel, Manon Savard.

Le juge Richard s’est même permis de s’inquiéter de «l’américanisation des rapports du public envers les tribunaux», faisant référence à un «afflux d’attaques malveillantes, mal fondées et populistes».
En mêlée de presse, le ministre Jolin-Barrette a affirmé avoir «entièrement confiance» envers les juges des tribunaux supérieurs, tout en précisant que ceux-ci «appartiennent à la population québécoise».
«Pour assurer la confiance de la population envers le système de justice, c’est important que le Québec ait son mot à dire [dans la nomination de ces juges]», a affirmé le député caquiste.
«Ne laissons pas les canaux de collaboration véritable qui ont toujours existé entre le ministère de la Justice et les tribunaux judiciaires s’éroder», avait plus tôt souligné la juge en chef de la Cour supérieure du Québec, Marie-Anne Paquette.

Elle faisait notamment référence aux changements technologiques à venir et aux postes de juges à pourvoir ou à ouvrir dans différentes régions de la province.
«La justice doit être une priorité, mais malheureusement, elle passe encore loin derrière d’autres fonctions de l’état. Il faudra prendre un jour acte du fossé qui se creuse année après année, entre notre idéal de justice et la réalité quotidienne de nos tribunaux», a martelé la juge Savard.
Elle persiste année après année à réclamer un «budget raisonnable» à Québec, qui doit fournir les ressources judiciaires à la Cour d’appel.
Simon Jolin-Barrette a répliqué «ne pas être d’accord qu’il manque de ressources dans le système de justice», mentionnant au passage que le budget de son ministère est passé de 1 milliard à 1,9 milliard sous le gouvernement Legault.
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