Un documentaire sur la bataille épique qui a précédé le chantier de la tour Eiffel

La tour Eiffel a marqué un tournant dans le monde de l’architecture lors de sa construction, dans les années 1880. Structure révolutionnaire pour son époque, elle n’aurait peut-être pas été aussi impressionnante si ce n’avait été d’un duel entre deux grands hommes: l’ingénieur Gustave Eiffel et l’architecte Jules Bourdais. Chacun souhaitait être le premier à ériger une tour de 300 mètres de haut. Et apparemment, tous les coups étaient permis pour y arriver.

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Ce documentaire, qui comprend des reconstitutions avec acteurs, revient sur cette véritable guerre d’ego et de visions. D’un côté, Eiffel imagine une immense dame de fer; de l’autre, Bourdais propose une structure en granit, inspirée des monuments classiques parisiens. Derrière ce combat se cache un affrontement bien plus vaste: le métal contre la pierre, l’industrie contre les beaux-arts, le progrès contre la tradition.

Cinq ans pour construire

Le documentaire rappelle que les expositions universelles du XIXe siècle jouaient un rôle crucial dans la démonstration de la puissance et de la modernité des pays. L’historien Barry Bergdoll explique: «Elles étaient des célébrations gigantesques du progrès, industriel, économique et même humain. Il y avait également une compétition énorme pour montrer ce dont on était capable.»

Par exemple, c’est pendant une exposition universelle que Graham Bell a présenté son téléphone pour la première fois, en 1876. Il y avait aussi une tradition: le pays hôte de l’exposition universelle devait impressionner le monde en construisant un édifice emblématique. Ainsi, lorsque Gustave Eiffel et Jules Bourdais apprennent, le matin du 31 mai 1884, que Paris accueillera celle de 1889, ils se lancent corps et âme dans leur projet. L’idée d’une tour de 300 mètres devient pour eux une véritable obsession.

L’audace d’Eiffel

Pour Eiffel, le fer représente l’avenir. C’est le matériau vedette de la révolution industrielle: léger, économique, résistant à la traction et à la compression, et facile à assembler. Il est temps, selon l’ingénieur, de bâtir autrement. Son équipe lui propose un premier projet, mais il n’est pas convaincu: quelque chose manque. Ils repensent alors le concept, y ajoutent un éclairage électrique (une technologie émergente à l’époque) et conçoivent la structure pour qu’elle soit visitable jusqu’au sommet. Une première mondiale!

Eiffel comprend également l’importance de l’opinion publique: il fait publier des articles dans «Le Figaro» et la «Revue scientifique», attisant la curiosité de tous. De son côté, Bourdais riposte, indiquant que lui aussi intègrera un système d’éclairage moderne et un ascenseur pour les visiteurs dans sa tour de pierre. La bataille est lancée!

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Les partisans de Bourdais ridiculisés

Rapidement, on apprend que la population et les milieux artistiques se divisent en deux camps: les partisans d’Eiffel et les défenseurs de Bourdais. Le 14 février 1887, un journal publie une longue lettre de protestation signée par plusieurs artistes et intellectuels, dont Alexandre Dumas fils et Guy de Maupassant. Ils dénoncent ce qu’ils considèrent comme une aberration: «La tour sera une gigantesque et noire fumée d’usine, humiliant tous nos monuments, tels que le Louvre.» Mais cette sortie publique se retourne contre eux. Les Parisiens se rangent plutôt du côté d’Eiffel. On se moque des opposants, perçus comme dépassés par la modernité.

Eiffel remporte finalement le duel. Sa tour est choisie. Les travaux commencent et progressent à un rythme effréné. Le chantier devient rapidement une attraction en soi: les Parisiens s’y rendent le dimanche pour observer l’érection de cette structure unique, aussi étrange que fascinante.

La conclusion du documentaire nous plonge d’ailleurs dans cette phase de construction spectaculaire, où chaque étape repousse les limites techniques de l’époque.