La consommation de crack explose à Montréal... et on la verra de plus en plus dans les lieux publics
Des organismes confirment remettre de plus en plus de matériel propre aux consommateurs pour fumer

Louis-Philippe Messier
À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Les Montréalais voient de plus en plus souvent des gens fumer du crack ou du fentanyl dans les parcs, au centre-ville ou dans les recoins du métro... et cela ne risque pas de changer de sitôt.
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Vous ne rêvez pas si, en circulant dans ou aux abords de la station Berri-UQAM, vous avez l’impression de voir davantage de gens fumer du crack dans de petits tubes ou du crystal meth dans des bulles de pyrex.
Certains édicules ont des airs de fumerie. Je pense à la sortie rue Berri.
Contrairement aux cigarettes ou aux joints qui brûlent longtemps, les roches de crack se consument vite.
Fumer son crack, ça se fait en 15 secondes.
C’est une opération bien moins compliquée que l’injection par seringue.
Cette commodité relative explique peut-être la popularité croissante de cette drogue.

«La consommation de crack explose présentement à Montréal», me confirme Alex Berthelot, directeur des services communautaires chez Cactus, un organisme de réduction des méfaits qui gère un site d’injection supervisée.
Comme la cherté galopante des loyers continue d’acculer de nouvelles populations à l’itinérance, la consommation de drogue se passe de plus en plus dans les lieux publics.
C’est triste à dire, mais dès le 1er juillet prochain, la rue aura probablement de nouvelles recrues...
«On s’étonne de voir plus de gens consommer à l’extérieur, mais, crime, il n’y en a pas, de logements!», s’indigne Martin Pagé, le directeur de Dopamine, un organisme d’Hochelaga qui œuvre auprès des consommateurs de drogue.
«On a une superposition de crises: il y a la crise du logement, il y a celle de l’inflation et celle, enfin, des drogues contaminées» analyse-t-il.
«Les problèmes sociaux qui étaient à l’intérieur se retrouvent de plus en plus souvent dans la rue», dit M. Berthelot.

Immunisée contre l’inflation
Alors que se procurer un toit sur la tête ou remplir son garde-manger coûte de plus en plus cher, une drogue comme le crack semble «immunisée» contre l’inflation.
«La roche de crack coûte 20$ depuis 30 ans», m’explique M. Berthelot.
Il y a des changements dans les habitudes de consommation.
L’héroïne jadis présente a presque disparu... alors que le crack grimpe!
En 2021-2022, l’organisme Cactus s’est fait demander 36 500 tubes (qu'on utilise pour le crack) par des consommateurs.
En 2022-2023, la demande avait grimpé à 60 600 tubes... presque le double.
En 2023-2024, l’organisme prévoit en distribuer 85 000.
Pour ce qui est des «bulles» de verre qui servent à fumer le crystal meth ou le fentanyl, Cactus en a distribué 16 300 en 2021-2022, 24 500 en 2022-2023 et prévoit en distribuer 38 000 en 2023-2024.
«Fumer du fentanyl, ça se faisait déjà depuis quelques années dans l’Ouest et c’est en train de se faire de plus en plus ici», se désole M. Pagé.
Si le centre-ville embauche une armée de gardiens de sécurité pour tasser la consommation, celle-ci se déplacera... et le problème ne sera pas réglé.
Les sites d’injection déjà établis envisagent d’ajouter des «salles d’inhalation supervisée» qui nécessiteront des systèmes d’aération et de purification d’air... ce qui pourrait diminuer la «visibilité» de la consommation.
Mais pour ça, il faudra des subventions...

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