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L'article provient de Le Journal de Montréal
Sports

Qatar 2022: la compétition de la controverse

Photo d'archives, AFP
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Photo portrait de Dave Lévesque

Dave Lévesque

2022-11-19T05:00:00Z
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Cette Coupe du monde nage dans la controverse depuis plusieurs années et le phénomène n’a fait que s’accentuer dans les derniers mois.

• À lire aussi: Qatar 2022: le Canada est de retour au Mondial de soccer après 36 ans

Parmi les appels au boycottage divers, il y a une voix qui a résonné plus fort que les autres, celle de Sepp Blatter.

Le Suisse était président de la FIFA (Fédération internationale de football association) au moment de l’octroi du tournoi au Qatar, en 2010, et il prend l’entière responsabilité de la décision.

À partir du moment où même l’ancien président de la FIFA remet en question la tenue de ce Mondial, le ton est donné.

Droits de l’Homme

Au cœur des doléances des personnes qui appellent au boycottage, il y a bien entendu toute la question des droits de l’Homme.

On pense bien évidemment au traitement qui a été réservé aux travailleurs étrangers qui ont construit les diverses infrastructures au cours des 12 dernières années (voir autre texte plus bas).

Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. On s’intéresse aussi aux droits des personnes LGBTQ+ et des femmes.

Ainsi, de nombreuses personnalités se sont élevées afin de dénoncer la tenue de cette Coupe du monde dans la petite péninsule du golfe Persique.

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Un « asile géant »

L’acteur français Vincent Lindon a parlé d’un « asile géant » pour décrire ce qu’il considère être une « aberration écologique ».

« La même année, il y a des Jeux olympiques d’hiver dans un pays [Pékin, en Chine] où il n’y a pas de neige et une Coupe du monde dans un pays où il fait 60 °C à l’ombre et où ils ont construit une dizaine de stades réfrigérés... C’est non seulement une aberration climatique et écologique, mais il y a aussi un non-respect des droits de l’Homme. »

Pas la meilleure candidature

L’ancien joueur de soccer allemand et directeur de l’Euro 2024, Philippe Lahm, a décidé de ne pas se rendre au Qatar. Ses raisons sont claires.

« Premièrement, la question des droits de l’Homme. Ils devront être beaucoup mieux respectés à l’avenir lors de l’attribution d’événements sportifs. Deuxièmement, certains pays avaient présenté de meilleures candidatures, selon l’évaluation interne de la FIFA. Le fait que le Qatar l’ait tout de même emporté a porté préjudice à l’institution. »

Des pays comme la Suisse, les États-Unis et la France enquêtent d’ailleurs sur la corruption à la FIFA et le Qatar revient souvent dans les discussions.

Les joueurs s’en mêlent

Les joueurs qui participeront au Mondial ne sont pas indifférents aux différents enjeux qui entachent la compétition.

Les Australiens ont été très percutants en dévoilant une vidéo dans laquelle les joueurs, surnommés « Socceroos », expriment leurs préoccupations quant aux droits de l’Homme, réclament des changements aux lois régissant le travail et demandent à ce que les relations entre conjoints du même sexe soient décriminalisées.

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Le Danemark a pris un chemin différent puisque son équipementier, Hummel, a dévoilé un troisième maillot noir qui s’ajoute aux traditionnels maillots blancs et rouges.

Hummel a expliqué, sur Instagram, que c’était la « couleur du deuil » pour honorer les travailleurs migrants décédés pendant la construction et la rénovation des infrastructures.

Boycottages

Et dans tout ça, il y a des boycottages purs et simples. Comme Le Journal de l’île de la Réunion qui a choisi de ne pas envoyer de journaliste au Qatar.

De nombreuses villes qui ont l’habitude de diffuser les matchs de leur équipe nationale en public ne le feront pas. Le mouvement est marqué en France puisque Paris, Marseille, Bordeaux, Lille, Strasbourg et Reims font partie du lot.

On a aussi vu des banderoles sans équivoque dans des stades à travers le monde récemment.

Partout, les voix se sont élevées, mais finalement, c’est peut-être sur place que le mouvement de changement s’amorcera. On aura la réponse bien assez vite, peut-être dès demain.  

Un côté sombre du Mondial 

La Coupe du monde est une formidable célébration du soccer international, mais quand on fouille un peu derrière, on trouve le côté sombre des affaires. Et au Qatar, on n’a pas à écarter beaucoup de feuillage pour que ce côté émerge.

Grand cas a été fait des conditions dans lesquelles les travailleurs étrangers ont été plongés pour construire ou rénover les huit stades qui serviront de scène aux meilleurs joueurs mondiaux.

Dans une enquête parue en mars 2021, The Guardian révèle que plus de 6500 travailleurs provenant de l’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sont décédés depuis que le Qatar a obtenu le droit de présenter le tournoi, en décembre 2010. L’enquête du journal britannique s’appuie sur des données dévoilées par les gouvernements des pays concernés.

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12 morts par semaine

Avec ces seules données, en moyenne 12 décès sont dénombrés chaque semaine depuis 2010.

Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg puisque les chiffres ne tiennent pas compte des travailleurs provenant de nombreux autres pays, dont les Philippines et le Kenya, qui ont eux aussi fourni beaucoup d’ouvriers pour les chantiers qataris.

En plus des stades, les travailleurs migrants ont été employés à la construction de nombreux projets, dont un nouvel aéroport, des routes, des hôtels, une nouvelle ville et le métro.

Ce sont deux millions de petits salariés provenant de l’extérieur du Qatar qui y ont travaillé au cours de la dernière décennie.

Chaleur intense

La grande majorité des décès a été classée comme des morts naturelles. Chez les ressortissants indiens, ce sont 80 % des décès qui ont été catégorisés comme naturels.

Cette classification fait en sorte qu’aucune autopsie n’a été pratiquée, ce qui n’offre pas le portrait réel de la situation.

On croit notamment que l’intense chaleur estivale du Qatar est responsable d’une grande partie des disparus.

Pendant les mois d’été, la température grimpe à plus de 40 °C dans ce petit pays situé sur le golfe Persique. En juin, juillet et août, la moyenne diurne s’élève à 40 °C ou plus.

Exploitation

Impossible de passer à côté de l’exploitation dont ont été victimes les travailleurs étrangers. Amnistie internationale a d’ailleurs monté un dossier volumineux sur les pratiques entourant leur recrutement et leur encadrement une fois sur place.

L’organisme a recensé huit moyens qui ont été utilisés pour les exploiter en commençant par des frais de recrutement élevés.

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Les employés, qui tentent d’échapper à la précarité et de pourvoir aux besoins de leur famille, ont payé de 665 $ à 5700 $ à des agents de recrutement peu scrupuleux pour obtenir un poste.

Et une fois sur place, les choses ne s’améliorent pas. Les ouvriers ont souvent été logés dans des espaces surpeuplés, sales et peu sécuritaires. Les lits superposés sont fréquents même s’ils sont interdits dans ce type d’hébergements, selon la loi qatarie.

Salaires

Les salaires sont aussi source de problèmes. Les travailleurs ont souvent reçu une paye inférieur à ce qui leur avait été promis au moment de leur recrutement. De plus, il arrive fréquemment que les salaires soient versés plusieurs mois en retard.

Certains employeurs plus véreux ont aussi traité leur personnel comme des esclaves en ne leur fournissant pas de permis de résidence, même si c’est obligatoire au Qatar. Sans ce permis, les ouvriers peuvent être mis à l’amende ou emprisonnés. Ils sont ainsi forcés de rester dans le camp du chantier.

Tous les travailleurs rencontrés par Amnistie internationale s’étaient fait confisquer leur passeport, ne pouvant pas quitter le pays ou changer de boulot.

Et le pire, c’est le travail forcé. En effet, certains entrepreneurs ont menacé des employés qui n’étaient pas en état de travailler. On leur disait que leur paye serait amputée ou on les menaçait d’être livrés à la police pour déportation sans qu’on leur verse des sommes qui leur étaient dues. 

Un monde à part

Photo Adobe Stock
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La vie au Qatar n’a rien en commun avec celle au Canada. Il y a un monde de différences entre les deux pays, qui sont à plusieurs égards à des années-lumière, que ce soit la principale religion, certaines valeurs, le climat, les relations amoureuses, la mode, etc. En voici quelques exemples. 

PAS D’ALCOOL DANS LES STADES

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Photo AFP
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Les amateurs de soccer vont vivre une expérience un peu différente dans les huit stades (comme le Lusail Stadium sur la photo) puisqu’on n’y vendra pas d’alcool pendant les rencontres du Mondial. Pour se désaltérer, les partisans devront fréquenter le Fan Festival, qui sera seulement ouvert de 18 h à 1 h. 

L’alcool est sévèrement réglementé et est réservé aux non-musulmans. La vente en est généralement limitée aux restaurants et aux hôtels. Il faut avoir 21 ans ou plus pour en consommer. 

LES DROITS DES FEMMES

Le gardien allemand Manuel Neuer portait un brassard One Love (un seul amour) lors d’un match amical face à Oman, mercredi.
Le gardien allemand Manuel Neuer portait un brassard One Love (un seul amour) lors d’un match amical face à Oman, mercredi. Photo AFP

Bien que les femmes aient obtenu le droit de vote, en même temps que les hommes, lors des premières élections de cet émirat du Moyen-Orient en 1999, elles sont soumises à un tuteur masculin, qui détient le plein pouvoir sur plusieurs aspects de leur vie (mariage, emploi, santé, voyage, études). 

CODE VESTIMENTAIRE

Bien qu’il n’y ait pas officiellement de code vestimentaire, il y a certaines règles à suivre :

  • Hommes : pas de shorts ou de camisole en public.
  • Femmes : pas de bikinis sur les plages publiques. Les épaules doivent être couvertes. Jupe longue ou pantalon en public. 

CHOSES À NE PAS FAIRE

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  • Filmer ou prendre des photos des gens ou de sites religieux, militaires ou en construction.
  • Boire ou être ivre en public. 

DES COUPS DE FOUET

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La cohabitation et les relations sexuelles entre personnes non mariées ne sont pas permises au Qatar et la flagellation peut être une conséquence, tout comme la prison. Même des victimes de viols ont reçu des coups de fouet pour une « relation extraconjugale », en raison de la charia, la loi islamique. 

L’HOMOSEXUALITÉ ET LA PEINE DE MORT

Toute la question des droits de la communauté LGBTQ+ fait l’objet d’un important débat à l’approche du Mondial au Qatar, où les relations entre personnes du même sexe sont illégales. Selon la charia, l’homosexualité est passible de la peine de mort pour les musulmans alors que les gens d’autres religions s’exposent à une condamnation de sept ans de prison, souvent sans procès. Le gouvernement qatari a tenté de rassurer la planète en disant que tout le monde serait accueilli « sans discrimination » lors de la plus importante compétition de soccer. Toutefois, les arrestations en pleine rue ont encore lieu. Même le secrétaire d’État aux Affaires étrangères britannique s’est attiré les critiques en demandant aux touristes de « faire des compromis » et d’être « respectueux du pays hôte », selon le Courrier international. Néanmoins, des joueurs de plusieurs pays, dont la France, l’Angleterre et l’Allemagne, souhaitent arborer un brassard One Love (un seul amour) aux couleurs de l’arc-en-ciel lors de la Coupe du monde pour lutter contre toutes les discriminations.

 

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