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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

La clause nonobstant, gardienne de la démocratie

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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2024-02-07T20:30:00Z
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On apprenait la semaine dernière que de nombreux libéraux fédéraux souhaiteraient rouvrir la constitution pour interdire l’usage préventif de la clause nonobstant. Ils prenaient le relais de l’ancien ministre de la Justice David Lametti, qui a tenu récemment des propos semblables.

Paul Martin, en d’autres temps, avait déjà proposé qu’on en finisse avec elle. Pour lui, elle n’avait pas vraiment sa place dans l’ordre constitutionnel canadien.

Nulle surprise ici: le PLC, au fond de lui-même, n’a jamais accepté la clause nonobstant, qui permet de restaurer les droits du Parlement et le principe de la souveraineté populaire face au gouvernement des juges, qui au Canada, se sont emparés du pouvoir depuis une quarantaine d’années.

  • Écoutez la rencontre Mathieu Bock-Côté et Richard Martineau via QUB :

Tribunaux

Le PLC voit dans la clause nonobstant un archaïsme, le résidu d’une conception antédiluvienne de la démocratie, à l’époque lointaine où la volonté de la majorité comptait encore, à l’époque où les revendications des «minorités» n’étaient pas encore systématiquement considérées comme des droits fondamentaux de nature quasi divine, dont on ne devrait jamais discuter, sauf à consentir à une forme de profanation religieuse.

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Il faut pourtant dire les choses: la clause nonobstant est un des derniers vestiges démocratiques de notre système politique. Avec elle, le pouvoir revient en dernière instance aux élus. Ceux pour qui le peuple vote.

Avec elle, le pouvoir des tribunaux trouve une limite. Avec elle, l’arbitraire des juges est un peu contenu.

Avec elle, il est possible de contenir ce qu’il faut bien appeler la tyrannie croissante des minorités, ou plus exactement, des lobbies idéologiques prétendant parler en leur nom.

Avec elle, on décorsette la vie politique, on permet à nos dirigeants de prendre des décisions conformément aux préférences populaires et non plus seulement dans les paramètres fixés par les chartes de droits, interprétées de manière exagérément créative par des juges qui veulent gouverner nos sociétés sans avoir à passer par le test de l’élection.

Posons la question plus largement: la dynamique idéologique dominante, aujourd’hui, tend à transformer n’importe quel désir ou caprice en droit. Et dès lors que ce caprice a été transformé par les médias et les tribunaux en droit fondamental, il n’est plus permis d’en parler, autrement que pour le célébrer.

Faut-il vraiment rappeler que les chartes de droits ne sont pas de droit divin, qu’elles ne descendent pas du ciel, qu’elles ont un jour été posées politiquement, et qu’il devrait être légitime d’en discuter à la fois les fondements et le fonctionnement?

On sous-estime, je crois, à quel point la dynamique du gouvernement des juges, conjuguée à celle du clientélisme administratif engendré par l’État-providence, a fragmenté intimement la société, l’a fractionnée en groupes qui se croient chacun persécuté et appelé à se soustraire au corps social, pour défendre son «identité».

Démocratie

Il faudra un jour en Occident sortir de la logique du gouvernement des juges.

Mais pour l’instant, je me contenterai de dire: vive la clause nonobstant!

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