La Cinémathèque: 60 ans à la défense du septième art québécois

Martin Landry
Ça fait 127 ans que les Québécois vont au cinéma. Notre Cinémathèque, elle, souffle ses 60 chandelles cette année. Notre organisme de conservation du septième art québécois a été créé en pleine Révolution tranquille par un petit groupe de passionnés qui souhaitaient protéger la mémoire de notre cinéma.
Après six décennies, cette grande institution est devenue un incontournable sur le plan de l’acquisition, de la documentation et de la sauvegarde du patrimoine audiovisuel.
PROJECTIONS CINÉMATOGRAPHIQUES

À la fin du XIXe siècle, on voit déjà apparaître au Québec des espèces de projections lumineuses créées par ce que certains appellent des lanternes magiques. Ces animations, qu’on peut regarder entre autres sur des kinétoscopes, se retrouvent la plupart du temps dans de grands rassemblements forains. On sait par exemple qu’à l’été 1897, les propriétaires du parc Sohmer proposent un nouveau divertissement aux Montréalais, soit la projection de films colorés au kiosque qu’on nomme Radioscope.
La première véritable projection cinématographique publique a eu lieu à Montréal, six mois après celle de Paris et deux jours avant celle de New York. Les projections du cinématographe des frères Lumière ont eu lieu au Palace Theatre, situé à l’époque au 78 du boulevard Saint-Laurent (aujourd’hui, le numéro civique est le 974, Saint-Laurent), à compter du 27 juin 1896.
Dans la ville de Québec, la première représentation du cinématographe a eu lieu quelques mois plus tard, le 30 septembre de la même année, au Labyrinthe, dans le quartier Saint-Roch.
PREMIER CINÉMA

Ernest Ouimet ouvre son premier Ouimetoscope dans une salle de spectacle aux coins des rues Montcalm et Sainte-Catherine, en janvier 1906. Il engage un jeune pianiste pour animer les projections. Ce jeune homme se nomme Wilfrid Pelletier. Il deviendra quelques années plus tard chef d’orchestre de l’Orchestre symphonique de Montréal.
La popularité des projections cinématographiques en salle favorise l’ouverture rapide de nombreuses autres salles de cinéma, comme le Bourgetoscope, le Nationoscope, ou encore le Mont-Royaloscope.
Devant cette concurrence, Léo-Ernest Ouimet fait reconstruire en 1907 la toute première salle de projection de luxe en Amérique du Nord. Ce cinéma de 1200 fauteuils consacre Montréal comme la première ville d’Amérique à se doter d’une salle de projection de plus de 1000 places.
En plus d’exploiter son célèbre cinéma, Léo-Ernest Ouimet réalise lui-même des films, dont quelques-uns connaîtront du succès. Comme la plupart des cinéastes au pays, il se démarque en créant un cinéma dans lequel on retrouve des sujets bien de chez nous.
On peut dire que juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le cinéma vit ses plus belles années dans la métropole québécoise. On compte 59 salles de cinéma qui ont pignon sur rue à Montréal.
SILENCE, ON TOURNE AU CANADA

On le sait, le film a souvent été un outil de propagande par l’État ou par certains producteurs. Par exemple, dès 1902, la compagnie de chemin de fer de l’Ouest, la Canadian Pacific Railway, commandite la création de films touristiques pour encourager l’immigration britannique au Canada.
La tradition cinématographique québécoise commence dans les années 1930 avec Mgr Tessier et l’abbé Proulx. Tessier s’intéresse au rapport que nous entretenons avec la nature, alors que Proulx s’intéresse davantage à la vie des Canadiens français dans les zones rurales. Bien que leur cinéma soit ancré dans la promotion du clérico-nationalisme, il n’en demeure pas moins que les deux ecclésiastiques contribuent à créer un patrimoine ethnologique important pour notre mémoire collective.
C’est aussi à cette époque (1939) que le gouvernement canadien crée l’Office national du film du Canada (ONF), une institution publique qui aura pour mandat de créer des films pour répondre aux objectifs de propagande culturelle du gouvernement, mais aussi d’éducation pour la population canadienne d’un océan à l’autre.
Il faut attendre après la guerre pour voir naître une série de longs métrages québécois. Il faut dire que la guerre en Europe a créé une rareté dans les films tournés en langue française et que ça a forcé de nombreux cinéastes français à s’exiler ici, au Québec.
60e ANNIVERSAIRE
Aujourd’hui, 60 ans après la création de la Cinémathèque québécoise, on peut dire que c’est mission accomplie pour cette institution cinématographique. L’organisme qui a pignon sur rue au cœur du grand quartier culturel de Montréal est incontestablement devenu la pierre angulaire de la sauvegarde et de la mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel.
OUVRAGES CÉLÈBRES
La petite Aurore, l’enfant martyre (1951), de Jean-Yves Bigras, Tit‐Coq, de Gratien Gélinas (1953), Les Raquetteurs, de Michel Brault et Gilles Groulx (1958), À tout prendre, de Claude Jutra (1963), La vie heureuse de Léopold Z, de Gilles Carle (1965), et Mon oncle Antoine (1971) ne sont que quelques exemples de l’effervescente créativité et de la richesse de la cinématographie québécoise. Ces images fixées sur pellicules sont de formidables témoins audiovisuels de notre culture collective.