La Charte royale de 1670 qui a marqué la naissance de la Baie d'Hudson vaut au moins 15M$


Mathieu-Robert Sauvé
Signée par le roi Charles II d’Angleterre, la Charte royale de 1670 marquant la naissance de la Compagnie de la Baie d’Hudson est sur le point d’être vendue à de riches fortunes de Toronto.
«C’est un document extrêmement important pour l’histoire du Canada, mais également pour tous ceux qui s’intéressent à la politique et l’économie. Jusqu’à l’annonce de sa faillite, la Baie d’Hudson était l’une des plus anciennes compagnies au monde», résume l’historien Gilles Laporte.

C’est d’ailleurs la liquidation des avoirs de l’entreprise qui a mis en vedette le parchemin datant de plus de trois siècles et demi. Comme le rapportait La Presse canadienne le 21 août, la famille Weston (qui possède notamment la chaîne d’alimentation Loblaw) a fait connaître son intérêt pour la pièce, mais le milliardaire David Thomson s’est dit prêt à payer 15M$. Les deux acheteurs potentiels de Toronto pourraient voir les enchères monter encore.
40% du Canada actuel
Marquée du sceau royal, la charte octroie à The Hudson Bay Company (la traduction française viendra beaucoup plus tard) un territoire qui équivaut à près de 40% du Canada actuel.

«Le fait que ce soit une pièce unique lui donne de la valeur. Comme une œuvre d’art, un tableau de Riopelle ou de Léonard de Vinci», reprend l’historien Martin Fournier, qui a rédigé une maîtrise et un doctorat sur Pierre-Esprit Radisson, à l’origine de la création de l’entreprise.
Lui-même n’a eu accès qu’à une copie numérisée du document qui n’a été exposé publiquement qu’une seule fois, en 2020, au musée du Manitoba.
Le texte est plutôt technique, mais donne à l’entreprise le monopole du commerce des fourrures dans tout le bassin versant de la baie d’Hudson et confie à un groupe de marchands et d’explorateurs une puissante entreprise coloniale qui concurrencera la Nouvelle-France. La fortune des actionnaires sera colossale.
Quant à Radisson, il sera naturalisé anglais en 1687 et recevra une pension annuelle jusqu’à sa mort à Londres en 1710.


Objet muséal
Pour l’instant, les deux acheteurs potentiels ont affirmé vouloir léguer la charte à un musée, celui du Manitoba pour David Thomson et le Musée canadien de l’histoire pour la famille Weston.
«C’est à un musée que cette pièce unique doit être acheminée, de façon à être accessible à la collectivité», explique Yves Bergeron, professeur de muséologie au Département d’histoire de l’art de l’UQAM.
Il souligne que les budgets des musées nationaux ne permettent pas d’acquérir de telles pièces, c’est pourquoi ils entretiennent de bonnes relations avec les mécènes. Ceux-ci obtiennent pour leur don un reçu pour fins d’impôt de 100% dans le cas de pièces considérées comme d’intérêt exceptionnel.
Actuellement, rien n’empêche qu’un troisième ou un quatrième acheteur fasse monter les enchères. Sans un décret du gouvernement du Canada, la charte pourrait même quitter le pays.