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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

La Charte québécoise des droits et des libertés a 50 ans

En 1963, Jacques-Yvan Morin, 
à gauche, signe un article 
dans la Revue de droit de 
McGill où il plaide en faveur 
de l’adoption d’une charte 
québécoise consacrant les 
droits fondamentaux.  
On le voit ici aux côtés de René 
Lévesque et de Marcel Léger.
En 1963, Jacques-Yvan Morin, à gauche, signe un article dans la Revue de droit de McGill où il plaide en faveur de l’adoption d’une charte québécoise consacrant les droits fondamentaux. On le voit ici aux côtés de René Lévesque et de Marcel Léger. Photo d'Archives
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2025-06-27T04:00:00Z
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Quand on pense aux grandes avancées sociales du Québec, la Charte des droits et libertés de la personne occupe une place de choix. Ce pilier légal de notre société n’est pas tombé du ciel, il est le fruit d’un long cheminement intellectuel, juridique et politique, à la croisée des luttes sociales et des idéaux humanistes portés par des siècles de réflexions.

DES IDÉES DE LIBERTÉ VENUES DE LOIN

L’idée selon laquelle tous les êtres humains naissent libres et égaux a mis du temps à s’imposer. Pourtant, dès le siècle des Lumières, des philosophes comme Kant ou Montesquieu dénoncent ces inégalités en Europe.

Pour Kant, chaque être humain possède une valeur propre, une dignité qui appelle au respect et à la liberté.

Pour Montesquieu, déjà en 1748, aimer la démocratie, c’est aimer l’égalité. Cette pensée, relayée par la Déclaration des droits de l’homme en France (1789) et la Déclaration d’indépendance des États-Unis, a profondément marqué l’évolution des régimes occidentaux vers la démocratie.

Plus tard, au XIXe siècle, le philosophe britannique John Stuart Mill pousse plus loin la réflexion en liant directement la dignité de la personne humaine au bien-être collectif. Selon lui, sans égalité réelle entre les citoyens, la démocratie n’est qu’un mot vide de sens.

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LE QUÉBEC EN RETARD, PUIS À L’AVANT-GARDE

Jusqu’aux années 1970, le Québec n’avait pas encore sa propre loi-cadre pour protéger les droits fondamentaux. Alors que plusieurs provinces canadiennes avaient déjà adopté des lois en ce sens, ici, c’était toujours le Code civil qui servait de référence pour défendre les droits individuels.

Mais, un vent de changement soufflait, et des organisations comme la Ligue des droits de l’homme (qui deviendra plus tard la Ligue des droits et libertés) montaient au front pour faire pression sur le gouvernement.

C’est dans ce contexte que plusieurs penseurs et juristes de renom, dont Paul-André Crépeau et Jacques-Yvan Morin, participent à l’élaboration d’un avant-projet de loi.

Le projet prend forme, et le 29 octobre 1974, le ministre libéral de la Justice, Jérôme Choquette, dépose enfin un projet de loi sur les droits et libertés de la personne à l’Assemblée nationale.

Le 29 octobre 1974, le ministre libéral de la Justice, Jérôme Choquette, dépose le projet de loi sur les droits et libertés de la personne.
Le 29 octobre 1974, le ministre libéral de la Justice, Jérôme Choquette, dépose le projet de loi sur les droits et libertés de la personne. Photo fournie par BAnQ

Quelques mois plus tard, le 27 juin 1975, c’est l’unanimité, la Charte québécoise des droits et libertés est adoptée. Elle entrera officiellement en vigueur le 28 juin 1976. Son premier slogan donne le ton : « Vous avez le droit, les autres aussi ».

Charte québécoise des droits et libertés
Charte québécoise des droits et libertés Photo Libre de droit

UNE CHARTE VIVANTE

Depuis son adoption, la Charte n’a cessé de se transformer pour mieux refléter les valeurs d’une société en mutation.

En 1979, elle reconnaît le droit à des conditions de travail saines et sécuritaires. En 1982, elle interdit le harcèlement discriminatoire et protège les personnes ayant un casier judiciaire sans lien avec leur emploi. Elle introduit également cette année-là une structure pour favoriser l’accès à l’égalité dans les milieux de travail.

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Eleanor Roosevelt tenant la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Eleanor Roosevelt tenant la Déclaration universelle des droits de l’homme. Photo fournie par US National Archives

En 1989, un pas décisif est franchi avec la création du Tribunal des droits de la personne. Cet ajout vient renforcer l’appareil chargé de faire respecter la Charte, en complément des pouvoirs de la Commission des droits de la personne.

Les années 2000 apportent aussi leur lot d’avancées.

En 2006, le droit à un environnement sain est inscrit dans la Charte. Deux ans plus tard, une clause interprétative sur l’égalité entre les sexes est ajoutée. Puis, en 2019, dans un climat social où les questions identitaires sont de plus en plus débattues, la Charte est modifiée pour intégrer le principe de laïcité.

Plus récemment, en 2022, le législateur affirme avec force l’importance du français comme langue commune au Québec. Un nouveau droit est inscrit, celui de vivre en français. De plus, la Charte précise qu’elle doit être interprétée de manière à protéger la langue française, sans pour autant empiéter sur les autres droits qu’elle garantit.

UNE ŒUVRE COLLECTIVE

Ce qui rend la Charte québécoise unique, c’est qu’elle n’est pas simplement un texte imposé d’en haut. Elle a été modelée par les tribunaux, par les acteurs sociaux, par les luttes menées dans la rue et dans les milieux communautaires.

Elle s’applique aussi bien dans les rapports entre l’État et les citoyens que dans les relations entre individus. Elle est un outil d’équilibre, un garde-fou et un levier de progrès.

Sauf exception, toutes les lois adoptées par le Québec doivent la respecter. Seule la Constitution canadienne, incluant la Charte canadienne des droits et libertés, peut lui être supérieure en droit.

UN SOCLE POUR DEMAIN

Au fil du temps, la Charte des droits et libertés de la personne est devenue un repère pour les Québécois. Elle incarne un idéal de société où chaque individu peut vivre dans la dignité, à l’abri des discriminations et avec l’assurance que sa voix compte.

Ce texte n’est pas figé : il continue d’évoluer au rythme des valeurs collectives.

Dans un monde où les droits de la personne sont encore bafoués à bien des endroits, la Charte québécoise demeure un modèle précieux, non pas parfait, mais perfectible qui témoigne de notre volonté commune de bâtir une société plus juste, plus inclusive et plus respectueuse des différences.

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