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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

La carneylâtrie: au-delà du réel

PHOTO MEGA/WENN
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2025-05-07T19:30:00Z
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Si on se fie au spin politique qui nous vient d’Ottawa, Mark Carney aurait fait un tabac à Washington.

On veut nous convaincre qu’entre le président américain et le premier ministre canadien, il y a eu une partie de bras de fer, et le second l’aurait emporté.

Magnifique! Magistral! Les compliments carneylâtriques pleuvent sur le mode de la tempête tropicale.

Il faudrait donc l’applaudir, et sur un mode moutonnier, crier tous ensemble «vive Carney», en chantant l’autorité naturelle du banquier central.

Moutons

Évidemment, après s’être époumoné d’amour pour le bon Mark, on est bien obligé de parler un peu de la réalité.

Est-ce que les tarifs sont encore en place? Oui.

Est-ce que Trump vient d’en rajouter avec les tarifs sur la production cinématographique? Oui aussi.

Est-ce que Trump en a profité pour rappeler sa lubie de transformer le Canada en 51e État américain? Encore une fois, oui.

Alors on se demande: pourquoi félicite-t-on avec autant d’ardeur le divin Mark?

Il est où, l’exploit olympique intergalactique de Mark Carney?

Mon hypothèse: nous nous sommes laissés entraîner dans une forme d’illusion collective dont nous ne parvenons plus à sortir.

Nous nous sommes laissés piéger par une opération à laquelle nous avons cru et nous ne savons plus comment nous en extraire.

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Comme si le coût mental à payer pour revenir à la réalité était trop élevé. Donc on en rajoute dans le rêve, en confondant ce délire avec une forme inédite d’audace intellectuelle.

Essayons quand même de revenir au réel: Donald Trump, qu’on peut agonir d’injures, en s’imaginant à la fois transgressif et courageux, sera président pour quatre ans. Je suis le premier à croire qu’il a en bonne partie abîmé sa présidence en se laissant aller à une forme d’impérialisme prédateur, où le monde est réduit à de simples rapports de force.

Trump a converti l’élan populiste qui le portait en revanchisme brutal, alors qu’il aurait pu en faire un national-conservatisme de gouvernement.

Il est ainsi devenu un repoussoir même chez ceux qui auraient pu reconnaître des vertus à son administration. Avec ce président, on ne peut espérer rétablir une relation normale entre le Canada et les États-Unis.

Il s’agit plutôt de sauver les meubles.

Si Carney y parvient, nous aurons alors des raisons de le féliciter.

Trump

Mais parvenir à parler à Trump sans se faire molester comme Zelensky ou se faire traiter de gouverneur comme Trudeau, tout en conservant face à ses provocations une forme de sourire flegmatique, cela ne suffit pas à faire de vous un homme d’État.

J’ajoute qu’entre-temps, les finances publiques sont dans un état plus catastrophique que jamais, l’immigration massive déstabilise l’ensemble de la fédération, en plus de noyer le peuple québécois, et le premier ministre du Canada baragouine péniblement son français.

Mais bon, l’amour de Carney a ses raisons que la raison ne connaît pas.

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