La CAQ proposera que le privé prenne plus de place en santé
La pandémie a démontré les bienfaits du privé, estime le ministre Dubé

Patrick Bellerose
Le gouvernement Legault déposera un plan de refondation du système de santé qui accordera une plus grande place au privé, sans frais additionnels pour les citoyens. Un important débat de société attend le Québec en vue des élections l’automne prochain.
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« C’est un des apprentissages de la pandémie », affirme le ministre de la Santé, Christian Dubé, en entrevue avec notre Bureau parlementaire.
Quelque 100 000 chirurgies ont été réalisées par des cliniques privées au cours des deux dernières années, afin de soulager le réseau public aux prises avec la COVID-19. « Personne ne s’est plaint d’avoir été traité, en autant qu’ils pouvaient présenter leur carte-soleil », poursuit M. Dubé.
D’autres types d’opérations
Québec permet déjà aux cliniques comme RocklandMD ou Chirurgie DIX30 d’effectuer des chirurgies pour la hanche, le genou et la cataracte.
Durant la pandémie, celles-ci ont explosé et le gouvernement Legault envisage maintenant d’ouvrir la porte à d’autres types d’opérations.
L’idée est de bonifier l’offre de services afin de réduire les listes d’attente et prévenir de nouveaux coups durs dans le réseau public.
« Moi, je dis que ça me prend 105 % de mon staff en tout temps, explique Christian Dubé. Alors, quand je suis mal pris, j’ai accès au privé et aux agences [de placement]. »
Il faudra briser un tabou
Mais pour y arriver, il faudra briser un tabou.
La question du privé en santé fait débat au Québec depuis que l’arrêt Chaoulli de la Cour suprême, en 2005, a statué que les Québécois devaient pouvoir souscrire à une assurance privée s’ils n’obtenaient pas de soins dans un délai raisonnable.
« On a un enjeu de communication, parce que les gens ont peur que ça devienne un système à deux vitesses et que des gens n’aient pas accès », reconnaît le ministre Dubé, qui insiste sur le fait que le système demeurerait universel.
Cette ouverture au privé sera l’un des éléments contenus dans un rapport que le ministre de la Santé doit présenter aux Québécois d’ici la fin mars afin d’étayer son plan de refondation du système de santé.
« Ça fait un an que je l’écris [ce rapport] », confie le ministre Dubé.
Le document, issu de sa tournée des syndicats et du réseau, devait être présenté l’automne dernier, avant d’être repoussé par une nouvelle vague de la COVID-19.
Les solutions, prévient-il, n’ont « rien de sorcier » et ont déjà été évoquées dans d’autres rapports, dont celui de Wendy Thomson pour un financement axé sur les patients.
La différence résidera principalement dans « l’exécution », promet-il.
Cette « vision » pour les prochaines années inclura des mesures déjà annoncées (comme les projets de loi sur l’accès aux médecins et le partage de données) et d’autres à venir dans un futur mandat.
Le tout deviendra la base d’une discussion qui mènera la CAQ jusqu’aux prochaines élections.
« Durant l’été, les gens vont pouvoir en parler, ça va se discuter », estime M. Dubé.
Cinquième vague
Près du point de rupture
Les Québécois ne réalisent peut-être pas à quel point le réseau de la santé est passé prêt du point de rupture durant la cinquième vague.
À la mi-janvier, le Québec s’est approché des 3 500 hospitalisations dues à la COVID-19. « On me disait : à 3 500, ça ne passe plus, il y allait avoir des gens qui allaient rester dans le stationnement », confie le ministre Christian Dubé.
Le gouvernement Legault avait alors présenté un plan de dernier recours : libérer des lits en assurant le suivi en externe et accepter de diminuer la qualité des soins. Heureusement, la vague a commencé à reculer et le plan n’a jamais été appliqué.
Pour éviter la répétition d’un tel scénario, le réseau de la santé doit augmenter ses capacités. « On ne veut plus que les Québécois soient au service du système de santé, et non l’inverse », dit M. Dubé.
Urgence sanitaire
Fin de plusieurs primes
Québec a annoncé hier la fin de plusieurs primes pour le personnel de la santé liées à l’urgence sanitaire. C’est le cas, entre autres, des « primes COVID » de 4 % et de 8 % et du montant forfaitaire pour favoriser la présence au travail, qui pouvait atteindre 1 000 $ par période de quatre semaines.
Les montants forfaitaires de 12 000 $ à 18 000 $ pour encourager les infirmières à réintégrer le réseau à temps plein et ceux pour les inciter à s’établir en région éloignée continueront donc d'être versés.
Malgré cela, Québec déposera tout de même un projet de loi la semaine prochaine afin de conserver certains pouvoirs exceptionnels après la levée de l’urgence sanitaire.
Le ministre Dubé souhaite garder les mesures « opérationnelles », notamment pour permettre à certains corps de métier (comme les vétérinaires) de participer à la prochaine campagne de vaccination.
–Avec Vincent Larin, Agence QMI
Prochaine vague
Gérer la pandémie différemment
La fatigue pandémique est bien comprise par les autorités sanitaires. « S’il y a quelque chose qu’on a appris, c’est que la société ne peut pas arrêter », dit Christian Dubé en soulignant que l’expérience de la pandémie a été « traumatisante » pour les Québécois.
Le réseau de la santé devra donc se préparer pour la prochaine vague ou une autre catastrophe.
À compter de cet été, Québec testera chaque année le plan d’intervention des divers établissements pour faire face à une nouvelle vague.
Par exemple, les PDG des CISSS et CIUSSS devront vérifier si un gestionnaire est bel et bien en poste dans chaque CHSLD, que l’équipement de protection individuelle est en quantité suffisante, etc.
« On veut un plan et des actions concrètes », dit Christian Dubé, en comparant le tout à un exercice en cas d’incendie.
En bref
«Un des apprentissages de la pandémie, c’est que le réseau privé est très complémentaire.»
- Christian Dubé, ministre de la Santé