La CAQ et son ministre de l’Éducation coupent dans le réseau, mais pas dans les ordres!


Shophika Vaithyanathasarma
Voilà enfin le grand projet de société de Bernard Drainville pour nos écoles: faire dire «Monsieur» et «Madame», et confisquer les cellulaires. On est sauvés.
«Monsieur», «Madame»... et plus rien dans les coffres
Pendant que le réseau de l’éducation a amorcé la saison estivale en se faisant tailler de 570 millions de dollars, le ministre nous offre un règlement en guise de consolation. Du civisme à coups de règlements rigides, de vouvoiement obligatoire dès la maternelle (!) et de sanctions pouvant aller jusqu’à l’expulsion. Quelle vision inspirante de l’éducation! Vraiment, on sent que l’école va mieux respirer après ça... avec moins de personnel, moins de soutien, mais plus de «Madame» par-ci et de «Monsieur» par-là.
On sait tous que le respect, ça ne se décrète pas. On ne bâtit pas un climat scolaire sain en multipliant les interdits. On éduque, on accompagne, on outille. Or ici, rien... absolument rien sur l’enseignement des compétences sociales et émotionnelles, sur l’éducation aux médias, au dialogue, à la gestion des conflits. Non. À la place, on sort le marteau: sanctions «graduelles», excuses, retenues, suspensions, travaux communautaires. Le tout emballé dans un beau ruban de discours de rigueur morale.
Et le cellulaire? Interdit. Du matin au soir, dans les classes, dans les corridors, dans la cour. Même si ton ado veut juste texter à son parent qu’il a manqué l’autobus. Mais attention! Le ministère nous glisse que l’interdiction ne visera que les heures de cours, mais – tenez-vous bien – on ne l’écrit pas dans le règlement. Pourquoi? Pour des «raisons juridiques». Une politique claire mais secrète. Rassurant.
Et puis, qui va faire respecter tout ça? Le personnel professionnel et scolaire, dont les postes seront supprimés? Les enseignants qui désertent la profession? Les directions débordées? Le gouvernement exige qu’on en fasse plus... en donnant moins. On demande de surveiller, d’encadrer, de sanctionner, mais on ne donne pas les moyens d’embaucher ceux qui pourraient le faire. C’est de l’improvisation! De la gestion par la façade.
Intentions louables, exécution décevante
Il n’y a pas que du négatif, on parle bien de cercles de discussion et de médiation, c’est vrai. Mais là encore, très peu de ressources pour les mettre en place. On ajoute des obligations et suggestions, sans les moyens. On distribue des punitions, pas des outils.
Et c’est ça qui est décevant. Pas l’idée de base. Le civisme, le respect à l’école, l’importance d’un climat sécurisant: c’est nécessaire. Mais ces directives, c’est du paraître. De la politique de vitrine. Une opération cosmétique qu’on essaie de faire passer pour une réforme sérieuse.
Pendant que certains acteurs du milieu effectuent déjà un travail de fond, humain et efficace pour renforcer le civisme dans les écoles, ce règlement arrive comme un poids supplémentaire, mal arrimé à la réalité du terrain.
Plutôt que de soutenir ce qui fonctionne déjà, on empile des règles, on ajoute des exigences, sans considérer la fragilité du réseau ni valoriser les initiatives concrètes qui portent leurs fruits.
Je ne critique pas pour critiquer. Je critique car on doit faire mieux pour régler les cas de violence et de non-respect du personnel. Parce que si l’énergie qu’on a mise pour réglementer la façon dont un élève doit appeler son prof, on l’avait plutôt employée pour écouter le réseau, soutenir les élèves vulnérables et valoriser le personnel scolaire, alors là, oui, on aurait touché au vrai civisme.
Shophika Vaithyanathasarma
PhD Student in Curriculum & Instruction, Boston College
M.A Sciences de l’éducation, Université de Montréal