La CAQ est plus que jamais à court d’arguments pour son troisième lien


Karine Gagnon
Au rythme où vont les choses, à la lumière des informations émanant du ministère des Transports, il ne restera plus bientôt à la ministre Geneviève Guilbault et au gouvernement caquiste qu’à souhaiter qu’un des ponts existants s’écroule pour tenter de justifier leur troisième lien.
C’est ironique, vous l’aurez compris, car je le précise d’emblée: en se basant sur les expertises rigoureuses effectuées sur les deux infrastructures, il n’y a aucune chance que ce scénario catastrophe se produise.
La durée de vie des ponts, qui font l’objet de programmes d’entretien, les mènera jusqu’à au moins 50 à 60 ans encore.
C’est la ministre elle-même qui se voulait rassurante, en avril 2023, lorsqu’elle avait jeté le troisième lien aux orties. Elle avait fait valoir qu’avec la technologie et les moyens actuels, il était même possible d’augmenter la durée de vie des ponts.
La grande question
Tout cela pour dire qu’avec les données coulées sur le troisième lien par des lanceurs d’alertes du MTQ, à l’opposition et à Radio-Canada, la question demeure. À quoi bon flamber des milliards de dollars – entre 15 et 20 selon les calculs du député solidaire Etienne Grandmont – si les ponts actuels répondent à la demande?
Ces données viennent confirmer que ce projet d’un autre siècle, dans l’est, ne correspond pas aux critères actuels du gouvernement pour décider de son acceptabilité.
Mme Guilbault n’a, à vrai dire, plus d’autre choix que celui, plus que boiteux, de la sécurité économique. Sauf qu’elle avait elle-même démonté cet argument, en 2023, avant de le ressortir un plus tard. Allez donc suivre...
Ce que la CDPQi a pourtant déterminé, en juin, c’est que rien ne justifie un troisième lien. Le rapport citait la sécurité économique seulement pour mentionner que plusieurs intervenants lui avaient fait part de leurs préoccupations. La CDPQi ne s’est d’ailleurs pas penchée sur cet aspect, qui dépassait son mandat et dont les fondements restent à démontrer.
Pour rappel, revoici la conclusion sur un troisième lien autoroutier du président et chef de la direction de la CDPQi, Jean-Marc Arbaud: «L’analyse conclut que les gains de mobilité ne justifient pas, pour aucun des corridors, la construction d’un lien routier.»
La CDPQi proposait plutôt d’améliorer le transport collectif sur les deux rives, et dans une phase ultérieure, de songer à un troisième lien pour le transport collectif. Divers facteurs ont été analysés, dont l’attractivité, l’effet sur les ponts actuels, le gain de temps, et la capacité résiduelle des réseaux autoroutiers d’accueil.
Des experts à bout
La ministre Guilbault a injurié une première fois le ministère des Transports en confiant le projet de tramway à la CDPQi, en 2023. Puis, elle a récidivé en créant son agence des transports, Mobilité Infra.
Elle peut toujours remettre en question encore l’expertise du MTQ en matière de mégaprojets d’infrastructures collectives. Cette lacune s’explique notamment par le fait que la CAQ n’a réalisé aucun projet de transport collectif majeur depuis son arrivée au pouvoir.
Sauf qu’elle ne peut certainement pas se prêter au même manège par rapport à l’expertise du MTQ dans le domaine des travaux et projets routiers.
La transmission d’informations sur le troisième lien par des lanceurs d’alertes du MTQ se veut un nouveau témoignage on ne peut plus éloquent du fait que le projet n’a pas de sens. Et que les experts n’en peuvent plus de se taire et d'avaler des couleuvres pour des considérations électoralistes.