La CAQ dévoile sa «petite révolution» pour construire plus vite, pour moins cher
Jonatan Julien et Geneviève Guilbault veulent modifier les lois pour impliquer davantage le secteur privé dans les projets d’infrastructures


Marc-André Gagnon
Jonatan Julien et Geneviève Guilbault ont présenté leur nouvelle stratégie pour accélérer la construction d’infrastructures publiques et en réduire les coûts, qui sera «une petite révolution» pour faire atterrir davantage de projets, promettent-ils.
Comme expliqué dans une entrevue accordée à notre Bureau parlementaire samedi dernier, le projet de loi visant la création de Mobilité Infra Québec (MIQ) est un pas vers la concrétisation du projet d’agence sur lequel Mme Guilbault planche depuis sa nomination aux commandes du ministère des Transports et de la Mobilité durable.
Cette nouvelle agence gouvernementale, que Mme Guilbault espère voir naître en 2025, sera dotée d’un budget de 6 millions $ la première année, puis d’un budget d’exploitation annuel d’environ 9,5 millions $ par la suite, a précisé la vice-première ministre lors d’une conférence de presse à l’extérieur du parlement.

Constituée au départ de 30 à 50 experts, MIQ devrait d’abord s’atteler à réaliser de grands projets de transport collectif.
«Pour moi, en ce moment, les besoins les plus urgents, c’est: Québec, l’est de Montréal, la Rive-Sud de Montréal», a souligné Mme Guilbault.
- Écoutez l'entrevue avec Martin Damphousse, président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Varennes, via QUB :
En plus de ces «trois projets [...] plus pressants», la ministre pense aussi à Gatineau et à Sherbrooke, qui pourront profiter d’une expertise centralisée.
Le texte de la pièce législative de la vice-première ministre confirme par ailleurs que MIQ aura pour mission principale d’analyser, de planifier et de réaliser, à la demande du gouvernement, tout projet complexe de transport, ce qui pourra inclure des projets routiers.
Le projet de loi 61 stipule aussi que MIQ aura la possibilité de se créer des filiales, «pour une équipe plus spécialisée» ou pour un projet spécifique, a expliqué Mme Guilbault. «On s’est beaucoup inspiré de ce qui se fait ailleurs», a-t-elle souligné, en nommant l’Ontario et la Colombie-Britannique, qui se sont dotés du même genre d’outil.
Julien veut plus de préfabriqué
De son côté, le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien, a annoncé le déploiement de la nouvelle Stratégie québécoise en infrastructures publiques.
L’objectif fixé par son gouvernement est de construire 25% plus vite, pour 15% moins cher.
Pour y arriver, M. Julien souhaite impliquer davantage le secteur privé dans la réalisation de projets, notamment en partageant davantage les risques. Le projet de loi 62 introduit ainsi dans la Loi sur les contrats des organismes publics un nouveau type de contrat, soit le contrat de partenariat.
M. Julien souhaite aussi accélérer la démarche gouvernementale d’autorisation et de suivi des projets majeurs et alléger le fardeau administratif des organismes publics.
«Oui, c’est une révolution. Oui, c’est un changement de culture. Oui, c’est un changement d’approche, mais ça n’amène pas plus de risques parce qu’actuellement on paye tout le risque, qu’il se matérialise ou non», a soutenu M. Julien.

Le ministre responsable de la Capitale-Nationale envisage également de recourir davantage à la préfabrication, par exemple pour la construction d’écoles.
«Le recours au préfabriqué permet en réalité d’amener plus de prévisibilité, plus de volume» et de «réduire les coûts», a expliqué l’élu caquiste de Charlesbourg. Cela ne compromet en rien les «belles écoles» promises par son parti, a-t-il assuré aux journalistes. «Ce serait présumer que ce qui est préfabriqué n’est pas beau. Je ne pense pas que ce soit le cas, bien au contraire», a rétorqué M. Julien.
Le maire de Québec, Bruno Marchand, a dit accueillir favorablement le projet d’une future agence des transports. «A priori, je suis ouvert. J’ai hâte de voir les détails. Je pars avec beaucoup d’ouverture», a-t-il soutenu en insistant sur le fait que l’agence devra livrer les projets rapidement.
– Avec la collaboration de Taïeb Moalla
Les quatre axes de la Stratégie québécoise en infrastructures publiques:
- une planification optimisée, globale et par projet;
- un environnement d’affaires plus compétitif;
- un État plus agile;
- un meilleur suivi de la performance des projets majeurs et de l’état du parc.
Quelques réactions:
«Le plan d’action propose une révolution longtemps réclamée par l’industrie quant à la manière d’aborder la construction et la gestion des infrastructures au Québec.»
– Caroline Amireault, avocate et directrice générale de l’Association Québécoise des Entrepreneurs en Infrastructure (AQEI)
«Il ne faudrait pas non plus attendre la mise en œuvre de l’agence pour appuyer sur l’accélérateur de projets en transports collectifs, particulièrement celui qu’on attend depuis trop longtemps dans la Ville de Québec.»
– Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre
«Un engagement des principaux intervenants dès le début du projet, un partage des risques plus équitable et un cadre moins prescriptif sont des changements qui offrent un potentiel des plus intéressants pour favoriser l’innovation et l’optimisation dans les projets d’infrastructures.»
– Bernard Bigras, PDG de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG)
«À première vue, certaines dispositions s’avèrent très préoccupantes pour la STM. [...] Non seulement le projet de loi proposé ne prend pas en compte des demandes de la STM pour favoriser la valorisation immobilière des sites, mais ajoute des contraintes qui vont limiter la capacité des sociétés de transport à générer des revenus immobiliers.»
– Kevin Bilodeau, conseiller corporatif à la STM
«À première vue, les rôles et responsabilités en matière de planification du transport collectif dans la grande région de Montréal devront être précisés prochainement. Nous participerons activement aux consultations à venir sur le sujet.»
– Isabella Brisson-Urdaneta, Conseillère, affaires publiques et relations médias à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM)
« Après n’avoir livré aucun projet en 6 ans de mandat, le statu quo de la CAQ n’est plus acceptable, il faut mettre des projets sur les rails. Ce que je crains par contre, c’est que cette nouvelle agence soit une voie rapide pour la privatisation de nos transports collectifs et que ça finisse par coûter une beurrée aux usagers. »
– Etienne Grandmont, porte-parole de Québec solidaire en matière de Transports
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