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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

La brèche de la dénationalisation d’Hydro-Québec

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Photo portrait de Philippe Léger

Philippe Léger

2024-02-03T05:00:00Z
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Assistons-nous au début d’une dénationalisation de l’électricité? 

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Est-ce que le gouvernement Legault s’apprête à déréglementer la production puis la vente de l’électricité, ce qui ferait vaciller le monopole d’Hydro-Québec?

L’héritage de la Révolution tranquille, celui d’un Maître chez nous en énergie, est-il subtilement et subitement menacé par Pierre Fitzgibbon et François Legault?

Les top guns caquistes nous assurent que non. Arrêtez de vous inquiéter, dit le PM, le «privé au privé» sera toujours «marginal et non significatif». 

Aucune matière à inquiétude, donc. 

Pourtant, on peut se méfier de ceux qui disent qu’il ne faut pas se méfier. Surtout quand on regarde le portrait d’ensemble.

Contexte

Le portrait d’ensemble, c’est le suivant: pour décarboner notre économie, il faudra nécessairement augmenter notre production d’électricité. Jusqu’à la doubler.

Ceci est déjà un immense chantier en soi. 

Mais ça ne s’arrête pas là.

Au cœur de la stratégie économique du gouvernement Legault, il y a ceci: attirer des grosses entreprises industrielles par des tarifs d’électricité ridiculement bas. 

C’est la stratégie du Dollarama, dénoncé par l’ex-PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu.

Cela fonctionne bien, près de 150 projets sont sur la table du bureau du ministre. Les entreprises y voient une occasion d’affaires.

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Comment répondre à la demande, donc? Legault et Fitzgibbon ont leur petite idée: ils souhaitent que les entreprises privées puissent autoproduire leur électricité, puis la vendre à d’autres. Un projet de loi est en attente à ce sujet.

Un exemple: Amazon produirait elle-même son électricité avec son parc éolien, et ensuite vendrait ses surplus à d’autres entreprises ou à Hydro-Québec. 

Ça, faut l’assumer, c’est le début d’une privatisation de la production de l’électricité au Québec.

S’il faut être ouvert à de nouvelles façons de produire de l’électricité, il y a, ici, lieu de s’inquiéter. 

Et ce, pour des raisons stratégiques, économiques, symboliques et démocratiques. 

Raisons stratégiques et économiques

Le premier à souffrir d’une privatisation serait Hydro-Québec. 

L’expertise risquerait d’abord de partir progressivement vers l’entreprise privée. Exactement comme nous l’avons vécu en santé et en transport. 

Expertise, mais aussi concurrence pour l’accès aux ressources et aux matériaux. Les marchés internationaux sont actuellement saturés par la demande en équipement lié aux énergies renouvelables. 

Chose logique: si le Québec se décarbone, les autres pays suivent la même trajectoire. Bonne chance à Hydro qui devra concurrencer l’entreprise privée pour l’achat de turbines, par exemple.

Vous pouvez même commencer à vous inquiéter de vos tarifs. Certes, le gouvernement Legault jure de les plafonner. 

Mais attirer des entreprises à des tarifs plus bas que le prix de production aura un coût. Tous les experts le disent. 

Qui épongera la facture? Soit Hydro lui-même, soit les PME, soit les contribuables.

Puis des raisons symboliques et démocratiques

Hydro-Québec constitue aussi une fierté nationale. Symbole d’une indépendance et d’une collectivité qui socialise ses efforts pour le bien commun. Ce n’est pas rien.

Ce gouvernement nationaliste devra expliquer les avantages d’une dénationalisation – aussi partielle soit-elle. 

Et il y a finalement une question démocratique, ici.

En 2022, la CAQ s’est présentée devant les électeurs sans jamais mentionner une possible ouverture au privé en électricité. 

Cela aurait dû être mis sur la table. Cela pourrait même être débattu par référendum. En tout cas, ça ne devrait pas être décidé entre quelques personnes. 

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