La boxe québécoise a un genou au plancher
Trop souvent, nos pugilistes doivent se battre ailleurs pour obtenir un combat majeur


Mathieu Boulay
On est loin des années dorées dans la boxe au Québec. Celles où les Lucian Bute, Jean Pascal, David Lemieux ou Adonis Stevenson faisaient courir les foules ou qu'ils faisaient parler d’eux dans l’actualité.
À cette époque, les duels d’envergure atterrissaient au Québec sur une base régulière. Les réseaux américains de télévision débarquaient avec leurs animateurs célèbres et leurs caisses de billets verts. C’était big !
Les amateurs savaient qu’ils assisteraient à un événement spécial en achetant un billet. Les amphithéâtres étaient remplis et l’ambiance était électrique. Les yeux du monde de la boxe étaient braqués sur le Québec.
Malheureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette effervescence s’est dissipée au cours des dernières années. La boxe québécoise est dans un creux de vague. Une morosité s’est installée depuis la pandémie et elle semble toujours bien présente.
Une situation prévisible. Pourquoi ? On ne peut pas remplacer des phénomènes comme Bute, Lemieux ou Pascal en claquant les doigts. Des boxeurs charismatiques comme eux, ça ne se trouve pas au coin des rues.
Des ententes avec d’autres promoteurs
Plusieurs autres facteurs peuvent expliquer cette situation. Tout d’abord, les promoteurs n’ont plus la même influence sur la scène internationale. Ils dépendent souvent des ententes qu’ils ont conclues avec des groupes de promotion plus importants afin d’obtenir des opportunités pour leurs boxeurs.
Entre 2015 et 2021, Camille Estephan a fait des affaires avec Golden Boy et Oscar De La Hoya pour les carrières de quatre de ses boxeurs, dont Lemieux. Puis, dans la dernière année, il a conclu un pacte avec Top Rank pour faire avancer la carrière de ses deux poids lourds.
De son côté, Yvon Michel a tenté sa chance avec Al Haymon et Premier Boxing Champions. Adonis Stevenson est celui qui a le plus profité de cette association en empochant des millions de dollars. Ce ne fut pas concluant à moyen terme alors que Haymon a connu des problèmes de liquidité.
Dans les dernières années, le patron de GYM a travaillé avec plusieurs autres promoteurs, dont Probellum, pour trouver de nouvelles sources de revenus et des combats à ses protégés. Ces ententes ont donné des résultats mitigés.
Pour donner de la visibilité et de la notoriété à leurs protégés aux États-Unis ou ailleurs, Estephan et Michel vont continuer d'utiliser d'utiliser cette voie. Ils ne peuvent pas le faire uniquement avec des combats présentés au Québec. C’est une autre façon de faire de la boxe.
Loin des yeux, loin du cœur
Les boxeurs québécois doivent souvent boxer à l'extérieur de la province pour avoir des combats majeurs. Les exemples sont nombreux.
Artur Beterbiev ? Londres. Marie-Pier Houle ? Cardiff. Steven Butler ? Stockton. Makhmudov ? Toledo.
Ils ont la chance de gagner un titre mondial, mais aussi de faire de bonnes bourses. Il ne faut jamais oublier qu’ils veulent maximiser leurs revenus durant leur carrière. On peut très bien les comprendre.
Par contre, pour un amateur moyen, c’est difficile de développer un intérêt pour un boxeur si ce dernier se bat souvent à l’extérieur de la province. Le promoteur doit trouver une façon de conserver ce lien entre son athlète et les amateurs malgré ses succès. Ce n’est pas toujours facile de le faire.
De plus, on a vu débarquer plusieurs boxeurs d’autres pays à Montréal. Malgré leur immense talent, ils semblent difficiles à vendre auprès du public. La réaction des amateurs est difficile à comprendre à ce niveau.
Des solutions, mais..
Relancer la boxe québécoise pourrait prendre quelques années. Quelles sont les solutions ? La première serait de recommencer à présenter des combats d’envergure sur une base régulière. Celui entre Christian Mbilli et Carlos Gongora est un bel exemple.
Pour atteindre cet objectif, il faut avoir des boxeurs de qualité qui affrontent des adversaires coriaces. Au Québec, plusieurs athlètes vont cogner à la porte des combats majeurs dans les prochaines années. Les promoteurs doivent tout faire pour que ça se déroule à Montréal même si le rapport de force dans les négociations n’est pas toujours de leur côté.
Le scénario idéal ? Trouver un champion du monde charismatique comme Éric Lucas, Lucian Bute ou Jean Pascal. Un athlète qui peut être intéressant pour le grand public. Pas facile à trouver.
Une autre solution serait de mettre les combats sur pied que les amateurs veulent. Ce n’est pas un problème qui est seulement propre au Québec. Les deux promoteurs québécois auraient tout à gagner à travailler ensemble pour bâtir des cartes de qualité. Ce serait surprenant qu'on assiste à un mariage d'affaires entre Estephan et Michel un jour.
En résumé, la boxe est une immense roue qui tourne avec des athlètes de qualité, des promoteurs sérieux, des réseaux de télévision et de l’argent. Si les astres ne sont pas alignés, il est bien difficile d’y connaître du succès.
Celle du Québec est au ralenti et on peut se demander si un moment donné, elle retrouvera son rythme des beaux jours. L’avenir nous le dira.