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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

La bombe à fragmentation de Lightbound

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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2022-02-09T10:00:00Z
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La sortie du député Joël Lightbound contre les politiques et le discours du gouvernement Trudeau sur la pandémie est une bombe à fragmentation. En accord ou non avec ses propos, le dommage est indéniable.

Tout d’abord pour le caucus libéral. Parce qu’il rompt les rangs avec le gouvernement auquel il appartient, mais tout en voulant continuer d’en faire partie, les projecteurs le suivront en quête d’une prochaine dissension.

Également parce que sa sortie tombe au pire moment pour Justin Trudeau, déjà critiqué pour le siège persistant d’Ottawa par le convoi dit de la liberté.

Aussi parce qu’en accusant son chef de semer la division entre vaccinés et non-vaccinés, pour les partis d’opposition et les convois anti-mesures sanitaires se multipliant ici et à l’étranger, c’est du bonbon trempé dans l’or.

Sa sortie conforte aussi les plus pressés dans leur hâte de voir disparaître les mesures sanitaires, dont la plupart sont gérées par les provinces. Ce faisant, M. Lightbound nourrit à son tour la même division, qu’il jure vouloir apaiser.

Il est vrai que les plus pressés sont surtout des citoyens de bonne foi, épuisés de la pandémie. On y trouve cependant aussi l’aile la plus à droite du Parti conservateur, déjà énergisée par son putsch d’Erin O’Toole. Sans compter des groupes d’extrême droite derrière l’organisation du convoi dit de la liberté.

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Miner l’adhésion

Cette bombe à fragmentation frappe même le gouvernement du Québec. Toujours populaire, mais critiqué pour sa gestion chaotique de la 5e vague, lui aussi sous haute pression, tente de déconfiner plus largement, mais graduellement.

Or, les propos du respecté député Lightbound, dont le comté est à Québec, risquent d’y miner l’adhésion aux mesures restantes et d’y renforcer les assises du Parti conservateur du Québec. Voire même d’offrir au convoi de Québec de nouvelles raisons d’y retourner dans deux semaines.

Nul n’oserait toutefois prêter à Joël Lightbound l’intention réfléchie de faire plus de tort que de bien. Il n’en reste pas moins qu’il risque de contribuer à son tour à creuser les fissures existantes au pays après deux ans de pandémie.

Cela dit – et à sa décharge –, ces fissures sont inévitables. Dans l’arène politique, ici comme ailleurs, des partis jouent de la pandémie à leurs propres fins partisanes.

Même pour la majorité vaccinée des Canadiens, que la fatigue accumulée la porte à chercher une sortie plus rapide de la pandémie est tout à fait humain.

La vraie division

Quant à la minorité non vaccinée, soit par ignorance, isolement, peur, pauvreté, défiance de l’autorité ou délire complotiste, le vrai danger est qu’elle s’inscrive résolument à la marge de la société. Pendant la pandémie et après.

Qu’elle se pense « stigmatisée » ou non n’y change rien. Dans une perspective plus large, ce qu’il faut savoir est néanmoins ceci.

Depuis deux ans, la prolifération mondiale d’une propagande agressivement anti-mesures sanitaires, menée surtout par des groupes et partis de droite ou d’extrême droite en quête de nouvelles clientèles, est sûrement ce qui aura le plus contribué à diviser nos sociétés pendant la pandémie.

Résultat : en Occident, face aux autorités politiques et sanitaires, elles-mêmes gravement « impréparées » en amont, la réaction d’une minorité des populations aura glissé peu à peu de la confiance à la méfiance, à la défiance.

Quant au noyau dur des convois dit de la liberté, la défiance passe carrément à la déviance. Une déviance sociale et comportementale qui, par définition, s’annonce difficile à contenir.

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