La bataille «est déjà gagnée par l’auto électrique»
Préférer l’essence à l’électricité pour ses déplacements revient à choisir le cheval plutôt que le tracteur pour un agriculteur du siècle dernier


Mathieu-Robert Sauvé
Si l’auto électrique a perdu une première manche contre la voiture à essence il y a plus de 100 ans, elle est mainteant en train de prendre sa revanche et a même «déjà gagné» la bataille, selon un expert.
«L’autonomie, le coût de production et les économies sur le prix du carburant sont des défis relevés par l’industrie. Si le Canada et les États-Unis n’avaient pas imposé des taxes de 100 % sur l’achat des véhicules produits en Chine, ces voitures inonderaient déjà le marché», a affirmé Normand Mousseau, physicien et spécialiste des questions énergétiques.

Il a assisté avec amusement aux échanges médiatisés des derniers jours sur les avantages et inconvénients de l’auto électrique. Ça lui a rappelé son enfance dans une ferme de Saint-Félix-de-Valois. Son père a longtemps résisté à l’achat d’un tracteur, lui préférant son bon vieux cheval. «Mais quand il a adopté son premier tracteur, il n’est plus revenu en arrière», lance-t-il en riant.

Lui-même se déplace dans un modèle électrique «bas de gamme» qui lui a coûté 93$ l’an dernier pour 12 000 km de route, excluant les recharges à sa propre borne.

125 ans de technologie
La propulsion électrique n’est pas récente, relate une exposition virtuelle du Musée canadien de l’automobile. Dès 1899, le Belge Camille Jenatzy fait la une des journaux du monde en atteignant la vitesse de 106 km/h dans sa Jamais contente, une auto 100% électrique.
Tous les pays veulent alors profiter de cette prouesse technologique et le Canada ne fait pas exception. L’électricité, une source d’énergie révolutionnaire, fascine l’Occident.

À Toronto, la Still Motor Company (SMC) met sur le marché des véhicules de livraison électriques au tournant du siècle. «De l’avis général, les voitures électriques de la SMC étaient légères, relativement rapides et faciles à manier», peut-on lire.
L’arrivée du moteur à explosion alimenté par les hydrocarbures ne part pas gagnante. «Ça chauffe, ça explose, c’est bruyant, ça sent mauvais», résume M. Mousseau.
Assez rapidement, cette technologie remportera la course en raison de l’autonomie et des rayons d’action. L’auto électrique est limitée aux zones urbanisées, car l’électricité se concentre à Montréal et Québec. L’électrification des régions rurales québécoises n’est complétée que dans les années 1960. Les voitures alimentées au pétrole peuvent circuler plus librement avec des bidons de carburant, ce qu’on ne peut pas faire avec des batteries.

«Autonomie restreinte...»
Même si on vante dans les publicités leur confort et leur moteur silencieux, les premières voitures électriques sont «chères, lentes et d’une autonomie restreinte», soulignent les critiques. Elles ne sont que le troisième choix des consommateurs après l’essence et la... vapeur.
Les lacunes du ravitaillement seront l’élément déterminant. La première «station-service» voit le jour à Vancouver en 1907, et le modèle s’implante rapidement partout au pays. On pourra remplir son réservoir d’essence jusqu’au fond des campagnes, donnant à l’auto thermique la palme de l’autonomie.

Dès 1915, la voiture électrique atteint son apogée au Canada et perd ensuite du terrain.
Pendant un siècle, on n’en entendra guère parler, jusqu’à l’arrivée des premiers modèles performants, accessibles et autonomes.
En 2024, quelque 300 000 autos électriques circulent au Québec. L’État prévoit qu’elles seront 2 millions en 2030.