Voici tout ce qu’il faut savoir sur la vente de la Banque Laurentienne

Sylvain Larocque
En eaux troubles depuis plusieurs années, la Banque Laurentienne poursuit son démantèlement avec ses services aux particuliers et aux PME cédés à la Banque Nationale et ses activités de prêts commerciaux vendues à la Banque Fairstone.
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En raison notamment d’outils technologiques désuets, «on n’était pas capables d’attirer la nouvelle génération de clientèle», a reconnu mardi le PDG de la Laurentienne, Éric Provost, en entrevue à LCN.

Spécialisée dans les prêts à risque, Fairstone déboursera 1,9G$ pour mettre la main sur la Banque Laurentienne, soit 40,50$ par action. Cela représente une prime de 20% par rapport à la valeur du titre de l’institution à la clôture des marchés, lundi.
Juste avant que cette transaction ne soit bouclée, la Banque Nationale mettra la main sur les services aux particuliers et aux PME pour une somme qui n’a pas été divulguée.
Environ 260 000 clients
Les portefeuilles qui seront transférés à la Nationale comprennent 3,3G$ de prêts aux particuliers (dont 90% d’hypothèques résidentielles), 7,6G$ de dépôts de particuliers (dont 70% de dépôts à terme), 800M$ de prêts aux PME et 600M$ de dépôts de PME. En tout, environ 260 000 clients sont concernés.
«Allier nos forces avec la Banque Fairstone nous permettra de faire croître davantage nos activités commerciales spécialisées, tout en conservant notre image de marque et notre siège social à Montréal, là où notre entreprise a été fondée il y a plus de 175 ans», a soutenu M. Provost.
«Compte tenu de notre forte présence au Québec, cette transaction s’inscrit naturellement dans notre stratégie de croissance», a affirmé son homologue à la Banque Nationale, Laurent Ferreira.

Legault résigné
Le premier ministre François Legault a estimé que la transaction «est peut-être la moins pire» possible dans les circonstances.
Le directeur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) déplore toutefois que le Québec perde une autre entreprise cotée en Bourse.
«Ça fait des années qu’on regarde aller la Laurentienne, [...] qu’on entend toutes sortes de rumeurs au sujet d’une acquisition potentielle et d’un déménagement. On n’est pas surpris», a-t-il commenté.
700 emplois perdus
La vente de la Banque Laurentienne fera perdre leur emploi à 700 des 2800 salariés de l’institution. Ceux-ci travaillent dans 58 succursales réparties dans tout le Québec.
«Il y a une composante humaine, une composante difficile qui vient avec cette décision stratégique là», a admis Éric Provost.
Les dépôts, les fonds communs de placement et les prêts que les particuliers et les PME détiennent auprès de la Laurentienne seront transférés à la Banque Nationale.
«Il n’y a rien à faire de la part de nos clients», a insisté M. Provost.
La Caisse dit oui
La Caisse de dépôt, qui détient environ 8% des actions de la Banque Laurentienne, a apporté son appui à la transaction malgré les pertes d’emplois prévues. Il s’agit d’«un résultat positif pour les actionnaires à la lumière de l’environnement concurrentiel et de l’examen stratégique que le conseil de la Banque Laurentienne a entrepris», a soutenu la vice-présidente responsable du Québec au sein de l’institution, Kim Thomassin.

La descente aux enfers
Octobre 2020 Nomination controversée pour une banque québécoise: Rania Llewellyn, une dirigeante torontoise qui ne maîtrise pas le français, devient PDG.
Juillet 2023 Mise en vente de la Banque Laurentienne après des difficultés financières, processus qui sera abandonné deux mois plus tard faute d’offres valables.
Septembre 2023 Panne de cinq jours des services en ligne, 340 000 clients privés d’accès à leur argent.
Octobre 2023 La Banque Laurentienne remercie Mme Llewellyn et la remplace par Éric Provost.
Avril 2024 Les activités de courtage sont cédées à iA Groupe financier, qui hérite de 16 000 comptes et de plus de 2G$ d’actifs.
Une longue histoire

La Banque Laurentienne est la troisième plus ancienne entreprise privée du Québec. Fondée en 1846, par Mgr Ignace Bourget et 15 notables montréalais, dont Louis-Hippolyte La Fontaine et Louis-Joseph Papineau, la Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal a changé de nom en 1987. Première banque canadienne à avoir eu un système informatique reliant toutes ses succursales dans les années 1970, c’est aussi la première à avoir nommé une femme présidente de son conseil. Elle a fait son entrée à la Bourse de Montréal en 1965.
Milliardaire torontois

La Banque Fairstone est contrôlée par Stephen Smith, un entrepreneur ontarien dont la fortune est évaluée à 8G$ par Forbes. En 1984, M. Smith avait fait faillite après s’être lancé dans l’immobilier. Quatre ans plus tard, il a cofondé First National Financial, devenu un important prêteur hypothécaire non bancaire. En 2021, M. Smith a fait l’acquisition de Fairstone, anciennement connue sous le nom de CitiFinancial Canada.
– Avec Julien McEvoy
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