La banalisation de l’évitement fiscal permet sa propagation, dit un chercheur de l’IRIS
Marie-Anne Audet
La banalisation de l’évitement fiscal au Canada empêche la mise en place de réformes efficaces pour l’enrayer, selon ce qu’indique l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans un rapport paru mardi.
• À lire aussi: La Caisse de dépôt détient plus de 20 G$ dans des paradis fiscaux
• À lire aussi: Jusqu’à 20% d’ex-titulaires de charges publiques dans les sociétés actives au Luxembourg
Cette réalité, représentée par le fait que 20% des administrateurs d’entreprises actives au Luxembourg, un paradis fiscal, ont occupé des postes dans le secteur public et parapublic au cours de leur carrière, est assez préoccupante, a rapporté Colin Pratte, co-auteur de l’étude.
«On se souvient, Marc Carney avait les deux mains dans l’évitement fiscal dans son ancienne carrière. [...] Et on a réalisé que les postes de la haute fonction publique sont occupés ou ont été occupés par des individus qui ont fait de l’évitement fiscal dans le secteur privé. [...] On pense à des juges de la Cour suprême, un gouverneur général, des premiers ministres et des ministres des Finances», a-t-il dit lors d’une entrevue accordée à LCN dimanche.
«Alors, si le phénomène existe encore, c’est en partie parce que la classe politique tend à le banaliser, à le normaliser, parce que dans un moment ou un autre de leur carrière, ils vont y prendre part», a-t-il poursuivi.
Cette normalisation contribue même à la propagation de cette pratique qui fait perdre des centaines de milliards de dollars aux États à travers le monde.
«Il ne passe pas une année sans qu’il n’y ait pas une nouvelle fuite d’informations ou un documentaire sur la question. Malgré tout, on réalise que le phénomène, il empire à l’échelle mondiale. Dans les 10 dernières années, les pertes fiscales qui découlent de ces stratégies ont doublé à l’échelle mondiale, ce qui est préoccupant, parce qu’on a l’impression que, parce qu’on en parle, le phénomène doit reculer, mais en fait, ça a empiré dans les dernières années», a illustré M. Pratte.
Problématique répandue
La frontière trouble entre les secteurs privé et public explique pourquoi l’État canadien fait du surplace sur la question, a rapporté Colin Pratte.
«Dans l’histoire canadienne, il y a vraiment beaucoup d’exemples où il y a des moments précis où il y avait des réformes qui étaient envisagées. Par exemple, sous le gouvernement Harper, il y avait ce projet de loi qui était sur la table. Le premier ministre avait mis sur pied un comité d’experts pour le conseiller. Mais tenez-vous bien, qui a été mis à la tête de ce comité? Un administrateur d’une entreprise canadienne qui faisait de l’évitement fiscal. Et qu’a recommandé ce comité? Le statu quo», a-t-il raconté.
«Donc là, c’est un exemple concret de la frontière trouble entre le privé et le public sur le plan de l’évitement fiscal», a-t-il ajouté.
Voyez l’entrevue complète dans la vidéo ci-dessus.