La Baie doit des millions à des fabricants du Québec
La faillite du détaillant porte un dur coup à l’industrie québécoise du vêtement


Julien McEvoy
Une longue liste de PME de l’industrie québécoise du vêtement va perdre des millions de dollars dans la faillite de La Baie, portant un dur coup à une industrie déjà fragilisée.
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«Ça va faire mal à ben du monde en ville», lance Danny Sorrentino au Journal. Le directeur de Peerless, un géant de la confection de vêtements à Montréal, n’a fait aucun autre commentaire lors de notre passage à son usine de la rue Pie-IX.

Peerless figure dans le document de 26 pages où sont énumérés les fournisseurs à qui La Baie doit de l’argent. L’ardoise du détaillant en faillite est de 7,7 millions de dollars.
L’usine de la rue Pie-IX fait vivre 1100 salariés, dont des centaines de couturières, et produit des vêtements entre autres pour Calvin Klein et Tommy Hilfiger.
Jack Victor, un fabricant montréalais de complets, perd 3,5 M$ avec la faillite du détaillant.
Cette entreprise de la rue Saint-Alexandre, qui vend aussi ses habits chez Simons, n’avait pas envie d’en jaser, mardi.
Même le monde de la publicité est touché. Cossette, un pilier du secteur au Québec, attend un chèque de 1,8 M$.

Un livre tragique
Plonger dans les dettes de La Baie, c’est ouvrir un livre de comptes tragique où les entreprises ne sont pas les seules victimes.
La Baie doit 5 M$ au fisc québécois, 1 M$ à la Ville de Montréal et 291 000$ à Hydro-Québec.
Rien qu’en taxes foncières, l’édifice de La Baie sur la rue Sainte-Catherine à Montréal lui coûtait 2 M$ par an, révèlent les documents déposés à la Cour supérieure de l’Ontario.
Si toutes ces entreprises et administrations ne vont pas toucher leur argent dans la faillite, c’est moins certain pour les retraités de La Baie.
Les esprits se sont échauffés à ce sujet, lundi, dans un échange entre les avocats de l’entreprise et le responsable des retraités, qui ont peur que l’argent disparaisse.
Leur fonds de pension était en pleine santé et était même en surplus au moment de la faillite, ont-ils tenu à dire au juge responsable du dossier.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Selon le plan déposé par La Baie, la vente des stocks en magasin au cours des 10 prochaines semaines va générer 460 M$ de revenus. La valeur de la marchandise à écouler est pourtant de 315 M$, selon le même plan.
«À moins que leur racking et leurs forklifts valent une fortune, ils vont toucher moins que ça», raille Carl Boutet, un spécialiste du commerce de détail.
– Avec Pierre-Olivier Zappa, TVA Nouvelles
3 M$ en bonis aux directeurs de La Baie
Pendant que La Baie se cherche un sauveur, l’entreprise a demandé au juge responsable du dossier de lui accorder 3 M$ pour payer des bonis aux directeurs qui vont rester en place pendant la liquidation des stocks.
«T’as besoin de ces gens-là. C’est normal qu’il y ait un incitatif pour qu’ils coulent avec le Titanic», observe le prof de management Carl Boutet.
Les patrons auront peut-être leurs 3 M$ de bonus, mais qui sont-ils? Et peut-on savoir si le propriétaire de La Baie, l’Américain Richard Baker, dirige toujours l’entreprise?
«On ne les entend pas dans les médias, ils ne sont nulle part», se désole le spécialiste du commerce de détail.
La Baie n’a émis aucune communication publique depuis l’annonce de sa faillite, le 7 mars. Seuls ses avocats ont parlé en son nom à deux reprises dans une salle de cour de Toronto.
Ils ont d’ailleurs demandé au juge, lundi, d’accorder 50 M$ à l’entreprise pour protéger les directeurs dont on ignore l’identité.
«D’habitude, il y a des assurances, mais je doute que la direction de La Baie soit en position de détenir cette assurance», explique l’expert.
Les directeurs sont responsables des montants prélevés en taxes et en réductions à la source par l’entreprise. Si l’État ne récupère pas cet argent, ils pourraient être tenus personnellement responsables.
Si le 3 M$ de bonis est une pratique assez commune qui ne choque pas Carl Boutet, le 50 M$ pour protéger les arrières des patrons l’inquiète davantage.
«Si le gouverneur Baker est encore en place, ce 50 M$ va servir à lui protéger les fesses en cas de poursuite», dit-il.
La Baie n’a pas répondu aux demandes d’informations et de précisions du Journal, depuis le 7 mars. Encore mardi, nos appels sont restés sans réponse.
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