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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

La Baie d’Hudson: la plus vieille business d’Amérique disparaît!

L’aventure a commencé il y a 355 ans

Un couple de chasseurs présentent leurs peaux de renard au comptoir de la Compagnie de la baie d’Hudson, le 17 septembre 1945 à Pangnirtung, dans le Nunavut. Source : Bibliothèque et Archive Canada
Un couple de chasseurs présentent leurs peaux de renard au comptoir de la Compagnie de la baie d’Hudson, le 17 septembre 1945 à Pangnirtung, dans le Nunavut. Source : Bibliothèque et Archive Canada BAC
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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2025-03-20T23:00:00Z
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Plus vieille entreprise d’Amérique du Nord et l’une des plus anciennes au monde, la Hudson Bay Company (La Baie d’Hudson) a été fondée à Londres en 1670 par deux coureurs de bois français, Pierre Radisson et Médard des Groseillers. Sa faillite emporte une partie du Canada.

«C’est une histoire rocambolesque, lance Gilles Laporte qui en a retracé les grandes lignes dans son site web Histoire du Québec. Cette compagnie a été si puissante qu’elle possédait à un certain moment la moitié du Canada actuel, y régnant en roi et maître. Plusieurs postes de traite installés à l’époque du commerce de la fourrure sont devenus des villages, notamment en Abitibi: Amos, Senneterre, Fort-Témiscamingue...»

La Terre de Rupert, concédée par le gouvernement britannique à la Compagnie de la Baie d’Hudson, faisait près de 50% du Canada actuel.
La Terre de Rupert, concédée par le gouvernement britannique à la Compagnie de la Baie d’Hudson, faisait près de 50% du Canada actuel. Wikipedia

C’est après s’être fait arnaquer par le gouverneur français Pierre de Voyer d’Argenson que Radisson a l’idée de s’associer aux Anglais pour fonder une entreprise capable de transiger avec les commerçants du Nouveau-Monde. Il cherche un moyen de transporter jusqu’en Europe les milliers de peaux de castor qu’on y trappe. Il s’allie à son compatriote des Groseilliers et de cette association naîtra une compagnie par actions qui fera la fortune de ses ayants droit.

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Londres leur concède un territoire vaste comme un pays d’Europe, qui inclut l’Ontario actuel, de même que le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et une partie des Territoires du Nord-Ouest, c’est-à-dire près de 4 millions de km2.

Des gens discutent à l’extérieur du comptoir de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Aklavik, dans les Territoires du Nord-Ouest en 1956.
Des gens discutent à l’extérieur du comptoir de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Aklavik, dans les Territoires du Nord-Ouest en 1956. BAC
Le commerce de la fourrure

Après avoir eu raison de ses compétiteurs comme la Compagnie du Nord-Ouest, la Hudson Bay Company (dont le nom sera francisé beaucoup plus tard) permettra l’exploration des moindres parcelles du futur Canada, jusqu’en Alaska.

Après la chute du Régime français en 1763, elle étend son réseau vers l’Ouest.

L’historien Laporte souligne que le commerce de la fourrure n’a pas pris fin avec le régime français; il y a eu une explosion de la demande jusqu’au milieu du 19e siècle. «On apprend tous à l’école que le commerce de la fourrure a disparu assez tôt dans notre histoire. Erreur. La fourrure de castor a longtemps été très en vogue en Europe. Mais le commerce ne passait plus par Montréal. On naviguait directement par la baie d’Hudson.»

Le magasin Morgan, inauguré à Montréal en 1845, est acheté par La Baie en 1972.
Le magasin Morgan, inauguré à Montréal en 1845, est acheté par La Baie en 1972. Montréal

Acheter par catalogue

C’est la Compagnie de la Baie d’Hudson qui a introduit l’achat par catalogue en permettant aux consommateurs de choisir leurs produits et de se les faire livrer à un point de vente, qui se trouvait à être très souvent un ancien poste de traite.

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Puis, elle a étendu son offre commerciale en créant les premiers magasins à rayons dans plusieurs grandes villes canadiennes.  À Winnipeg, elle ouvre un centre commercial de ce type dès 1881.

Les «couvertures à points» de la Compagnie de la Baie d’Hudson avec leurs lignes de couleur, qui ont plus de trois siècles d’histoire, sont toujours offertes dans les magasins de la région de Montréal.
Les «couvertures à points» de la Compagnie de la Baie d’Hudson avec leurs lignes de couleur, qui ont plus de trois siècles d’histoire, sont toujours offertes dans les magasins de la région de Montréal. MRS

Quand la fusion avec la Compagnie du Nord-ouest est scellée en 1821, La Baie continue son expansion et elle acquiert le magasin Morgan, sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, qu’elle transforme en La Baie en 1972.

La compagnie passe à des intérêts américains en 2008. Avec des dettes de plus de 950 M$, elle a annoncé la liquidation de ses biens la semaine dernière.

«C’est sûr que c’est triste! C’est un mode de vie qui disparaît», soupire M. Laporte.

Les «couvertures à points» quatre-couleurs

Inspirée de couvertures de laine datant de 1779 commercialisées par la Compagnie de la Baie d’Hudson, la «couverture à points» est une icône du commerce au détail canadien.

À sa création, cette couverture produite dans les usines de textile anglaises constitue plus de 60% des échanges avec le marché nord-américain (autochtones et colons). Les quatre couleurs (rouge, bleu, vert et jaune) symbolisent différents aspects du territoire. Les autochtones les adorent et ont leurs préférences en matière de couleurs; le rouge est prisé dans l’ouest et le vert dans l’est; les Inuits préfèrent les blanches plus utiles pour le camouflage. À l’époque du troc, une couverture vaut une peau de castor!

Devant le succès de ce produit, on en fera de multiples variantes, dont des manteaux, des mitaines et des tuques (aujourd’hui des casquettes). Les couvertures à points deviendront des objets échangés dans le cadre de potlatchs.

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