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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

L'inquiétante influence de McKinsey

AFP
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2023-01-10T10:00:00Z
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McKinsey & Company est une puissante firme-conseil américaine. Peut-être même la plus influente en Occident. Parmi sa montagne de clients bien nantis, on trouve plusieurs gouvernements, dont ceux du Canada, du Québec, de l’Ontario, de la France, etc.

Fondée en 1926 par un comptable évangéliste du nom de James O. McKinsey, près d’un siècle plus tard, elle compte près de 40 000 employés répartis dans plus de 65 pays et 130 bureaux.

Des enquêtes de Radio-Canada ont révélé qu’embauchée à 35 000 $/jour, McKinsey a aussi joué un rôle majeur auprès du gouvernement Legault, entre autres, pour sa gestion de la pandémie, dont sa campagne de vaccination.

On y apprend que sous Justin Trudeau, McKinsey conseille plusieurs ministères à coups de dizaines de millions de dollars. On lui doit même l’idée d’augmenter les seuils annuels d’immigration à 450 000 personnes.

Ce n’est toutefois que la pointe de l’iceberg. À travers le monde, les conseils à grands frais de McKinsey ont un impact direct sur plusieurs politiques publiques et sociales, mais les citoyens n’en savent rien ou très peu.

Politique et idéologique

Dans le livre When McKinsey Comes to Town : The Hidden Influence of the World’s Most Powerful Consulting Firm (Quand McKinsey arrive en ville. L’influence cachée de la firme-conseil la plus puissante du monde), Walt Bogdanich et Michael Forsythe, deux journalistes d’enquête du New York Times, en font une démonstration aussi détaillée qu’inquiétante.

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On y apprend que son influence est de nature politique et idéologique. McKinsey étant le chantre d’une privatisation croissante des services publics, qu’elle qualifie joliment d’« optimisation » des ressources. Le bien commun et l’équité sociale étant loin de trôner au sommet de ses objectifs d’affaires.

Le recours à McKinsey par autant de gouvernements ne constitue-t-il pas d’ailleurs une forme de désaveu envers leur propre haute fonction publique et de sacralisation du soi-disant « génie » du privé ?

Il est certes attendu que des gouvernements fassent parfois appel à des firmes externes. Ce qu’ils font depuis des décennies. Question de les aider à « penser en dehors de la boîte » de leurs gigantesques bureaucraties.

Ce qui frappe cependant dans le cas de McKinsey, au Canada et ailleurs, est la fréquence élevée et l’ampleur même des contrats gouvernementaux qu’elle récolte souvent sans appel d’offres.

Enquête publique

Ce n’est pas un détail parce que le tout se fait en plus sans transparence ni reddition de comptes. Du moment où des élus sous-traitent au privé l’élaboration de politiques publiques, impossible de savoir qui décide quoi et encore moins, pour quelles raisons.

De fait, comment croire qu’à l’opposé de gouvernements dûment élus, une firme-conseil posséderait par magie toutes les expertises imaginables, dont même celle de « gérer » une pandémie planétaire ou d’établir les seuils d’immigration pour un pays tout entier ? Poser la question...

Dans leur livre, Walt Bogdanich et Michael Forsythe présentent d’ailleurs le récit d’échecs importants de McKinsey dans des dossiers majeurs.

Surtout, ils observent que « les Américains et de plus en plus de gens à travers le monde ne savent rien de l’influence profonde de McKinsey sur leur vie, en partant du coût et de la qualité de leurs soins de santé jusqu’à l’éducation de leurs enfants ».

Donc, bravo pour les enquêtes journalistiques. Elles sont essentielles. Tout comme le serait en démocratie une enquête publique sur l’influence croissante du privé dans les coulisses du pouvoir.

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