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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

L’Inde et le Canada s’enfoncent dans une crise diplomatique rarement vue depuis la guerre froide

L’Inde exige le départ de deux tiers des diplomates canadiens postés dans le pays

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Photo portrait de Anne Caroline Desplanques

Anne Caroline Desplanques

2023-10-03T19:02:00Z
2023-10-03T19:06:02Z
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OTTAWA – La crise diplomatique entre l’Inde et le Canada a pris une ampleur rarement vue, rappelant l’époque de la guerre froide, tandis que New Delhi exige le départ de deux tiers des diplomates canadiens postés dans le pays.

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Le gouvernement indien a donné à Ottawa jusqu’au 10 octobre pour rapatrier 41 de ses 61 diplomates postés dans le pays, d’après des informations obtenues par le quotidien britannique Financial Times.

Il s’agit d’une autre mesure de représailles depuis que Justin Trudeau a déclaré que des « allégations sérieuses » permettent de lier le gouvernement indien à l’assassinat d’un citoyen canadien d’origine sikhe, Hardeep Singh Nijjar.

« C’est un pas énorme qui va porter un dur coup à nos relations », estime Artur Wilczynski, ex-ambassadeur du Canada en Norvège. C’est sans précédent. Ça rappelle les pires années de l’Union soviétique. »

  • Écoutez l'entrevue avec Maïka Sondarjee, professeure adjointe au développement international et mondialisation à l’Université d’Ottawa à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :
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Dans la même veine, l’ex-ambassadeur du Canada en Chine, Guy St-Jacques, y voit « un développement extraordinaire et très inquiétant » qui « confirme que les relations indo-canadiennes sont en chute libre et que ça va être très difficile de rétablir la confiance ».

Dans l’immédiat, il explique que « ça va avoir un impact immense sur les opérations » sur le terrain, que l’on pense à la défense de nos intérêts commerciaux ou au traitement des demandes de visas des étudiants désireux de venir étudier ici, par exemple. 

Des manifestants ont brûlé un mannequin de carton à l'effigie du premier ministre indien Narendra Modi, lors d'une manifestation à Toronto le 25 septembre. Ils réclamaient justice pour Hardeep Singh Nijjar, et l'indépendance du Khalistan, un État sikh, dans le nord de l'Inde.
Des manifestants ont brûlé un mannequin de carton à l'effigie du premier ministre indien Narendra Modi, lors d'une manifestation à Toronto le 25 septembre. Ils réclamaient justice pour Hardeep Singh Nijjar, et l'indépendance du Khalistan, un État sikh, dans le nord de l'Inde. AFP
Négocier pour rester

Sans vouloir confirmer formellement l’avis d’expulsion de New Delhi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et le premier ministre Justin Trudeau ont signalé vouloir empêcher ces expulsions.

«Nous allons continuer d'être présents sur le terrain pour aider les Canadiens qui ont des familles pour aider avec les relations avec, avec le gouvernement de l'Inde», a déclaré M.Trudeau.

«Dans des moments de tension, ce qui est le plus important, c'est de continuer à avoir des gens sur le terrain», a complété Mme Joly, ajoutant que la conversation se poursuit avec l’Inde «en privé» pour assurer «la protection» des diplomates.

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Pas de réplique

L’Inde compte elle aussi 60 diplomates au pays et «le SCRS a déjà avisé le gouvernement que plusieurs sont des agents qui font de la surveillance et du harcèlement auprès des communautés ici», indique M.St-Jacques.

Selon lui, traquer ces agents serait une façon de répliquer. Mais le premier ministre Trudeau a signalé qu’il ne comptait pas répliquer, même s’il ne reniait pas ses allégations : «Nous allons rester fermes, nous n’allons pas chercher à provoquer», a-t-il dit.

M.Wilczynski approuve cette attitude prudente. Pour lui, il est crucial d’être «prudents et mesurés» et de consulter nos alliés pour «calmer les choses» et «protéger nos intérêts».

Le premier ministre de l'Inde Narendra Modi serre la main du président américain Joe Biden sous le regard du premier ministre Justin Trudeau, lors du sommet du G7 en Allemagne le 27 juin 2022.
Le premier ministre de l'Inde Narendra Modi serre la main du président américain Joe Biden sous le regard du premier ministre Justin Trudeau, lors du sommet du G7 en Allemagne le 27 juin 2022. AFP
Manque de vision

M. St-Jacques se fait cependant peu d’illusion quant à une sortie de crise, car l’Inde a «un avantage stratégique» sur le Canada dans cette guerre diplomatique. Il explique que nos alliés cultivent leurs liens avec New Delhi, le plus grand marché du monde, mais aussi un contrepoids à la Chine. Il est donc peu probable qu’ils viennent en aide à Ottawa.

Le jour même où elle exige le départ des diplomates canadiens, l'Inde a d'ailleurs invité le géant français TotalEnergies à compétitionner pour obtenir des droits d'exploration de pétrole dans le pays. L'Inde importe actuellement 84% du pétrole qu'elle consomme.

Pour M.St-Jacques, cette crise est une énième démonstration du manque de vision et de profondeur du gouvernement Trudeau en matière de relations internationales.

«On ne peut pas baser une politique étrangère sur la couleur des chaussettes et les selfies, peste le diplomate de carrière. Ça prend de la profondeur, de l’expertise. Ça implique des investissements en défense et en développement.»

Arrivée costumée de la famille Trudeau lors d'un voyage en Inde en février 2018
Arrivée costumée de la famille Trudeau lors d'un voyage en Inde en février 2018 AFP

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