L'histoire du captagon, la drogue prisée des terroristes qui a rapporté des milliards $ à Bachar al-Assad


Gabriel Ouimet
Étouffé par les sanctions occidentales pendant la guerre civile en Syrie, le régime de Bachar al-Assad s’est tourné vers le trafic de captagon pour s’enrichir. Voici comment cette drogue addictive et illégale a fait des ravages au Moyen-Orient, tout en servant de carburant aux groupes terroristes de la région.
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Depuis que Bachar al-Assad a fui la Syrie le 15 décembre dernier, les rebelles qui ont repris le pouvoir trouvent des usines de production de captagon un peu partout dans le pays.
Même si plusieurs d’entre elles ont été incendiées par le régime déchu dans les dernières semaines, des millions de pilules et des tonnes de produits chimiques servant à les fabriquer y ont été découverts.
Des quantités importantes de drogue, cachées dans des fruits en plastique, des bobines de cuivre et d’autres produits communs, ont aussi été retrouvées dans des caches dispersées le long des frontières.


5 milliards $ par année au régime
Initialement, le captagon était un médicament utilisé en Europe et au Moyen-Orient pour traiter la narcolepsie et les troubles de l’attention.
Au départ, il était fabriqué avec du fénétylline, une drogue de synthèse stimulante et addictive. De la famille des amphétamines, la substance provoque une euphorie et augmente l’agressivité et l’endurance, en plus d’induire un sentiment d’invincibilité.
Ces effets secondaires ont mené à l’interdiction progressive du captagon pendant les années 90. Puis, au début des années 2000, des réseaux illégaux de production ont vu le jour.
L’amphétamine a remplacé le fénétylline comme ingrédient principal du captagon pour faciliter la production. Le trafic a ensuite explosé au début de la guerre civile en Syrie, en 2011, alors que le pays se dirigeait vers la faillite en raison des sanctions imposées par les Occidentaux.
Pendant plus d’une décennie, la Syrie est ainsi devenue le principal pays producteur de captagon dans le monde.
Le système mis sur pied par le Bachar al-Assad et ses proches impliquait des milices iraniennes, le Hezbollah et plusieurs autres groupes établis dans la région.
Le réseau était si important que les experts estiment qu’il rapportait jusqu’à 5 milliards de dollars par année au régime syrien.

Le carburant des terroristes de l’État islamique
Le captagon fabriqué en Syrie, surnommé «courage chimique», est prisé des terroristes de l’État islamique (ÉI), a révélé une étude américaine publiée dans la revue scientifique Nature en 2017.
En 2018, le département de la Défense des États-Unis a rapporté avoir détruit plus de 300 000 pilules de captagon lors d’une opération menée contre des membres de l’ÉI dans le sud de la Syrie.
Comme pour le régime de Bachar al-Assad, le trafic de captagon serait une source importante de revenus pour l’ÉI.
La production syrienne de captagon est également à l’origine d’une épidémie silencieuse dans certaines populations du Moyen-Orient.
En plus d’être la drogue illégale la plus consommée en Syrie, depuis 2021, le captagon est la substance qui provoque le plus d’hospitalisation dans plusieurs pays voisins, devançant les opioïdes.
Les conséquences se font particulièrement ressentir en Jordanie, au Liban, en Iran et au Pakistan.