L'histoire des premiers peuples: l’épouse de Jacques Cartier aurait été une Huronne-Wendat

Mathieu-Robert Sauvé
L’historien George Sioui a consacré 50 ans de sa vie professionnelle à proposer une relecture de l’histoire du point de vue autochtone. Il affirme que Jacques Cartier a bel et bien épousé une Huronne-Wendat en 1535.
«Une date importante de l’histoire de notre nation, c’est le 17 septembre 1535 quand Jacques Cartier a pris pour épouse Mamorah, la nièce du chef Donnacona», lance en entrevue avec Le Journal l’historien wendat George Sioui.

Premier historien à affirmer que ce mariage a bel et bien eu lieu à Stadaconé au second voyage de Cartier, Sioui soutient que l’histoire officielle a complètement oblitéré le consentement du Français.
Elle a plutôt retenu que Jacques Cartier, de confession chrétienne, refusa la femme et la «donna à ses hommes».
Récrire l’histoire
L’arrivée de l’explorateur français au XVIe siècle a souvent été présentée comme un jalon de la «découverte» des Amériques, un concept aujourd’hui révoqué puisque des milliers de personnes, dont les Wendats – que les colons nommeront Hurons à cause de leur coiffure rappelant la «hure» des sangliers – habitaient le continent depuis des millénaires.
«Avant d’être des Français, les premiers “sujets canadiens’’ de la France furent les nouveaux occupants innus et algonquiens des contrées abandonnées par leurs prédécesseurs stadaconas, hochelagas [...] et autres», écrit l’historien dans Histoires de Kanatha, publié aux Presses de l’Université d’Ottawa en 2008. C’est dans ce livre que M. Sioui relate l’union de Cartier avec Mamorah.
Triste traversée
À son premier voyage, en 1534, Jacques Cartier enlève deux autochtones, Domagaya et Taignoagny, pour les présenter au roi de France et s’en faire des interprètes pour les voyages ultérieurs.
Quand il revient l’année suivante avec ses passagers, ce retour soulève l’allégresse dans la nation. C’est à cette occasion que le chef Donnacona aurait proposé sa nièce à l’explorateur.
Les voyages subséquents de Cartier ne seront pas célébrés, puisque les Wendats enlevés en 1535 ne reviendront jamais. Ils mourront dans l’anonymat en France dans les mois qui suivirent la traversée
Georges Sioui, l’historien autochtone qui fait l’histoire

Né à Wendake en 1948, Georges Sioui a obtenu une maîtrise (1987) puis un doctorat (1991) en histoire à l’Université Laval. Au cours de sa carrière universitaire, il a notamment été doyen à l’Université de Régina et il a écrit plusieurs livres, dont Pour une autohistoire amérindienne, publié aux Presses de l’Université Laval et traduit en plusieurs langues.
Il a milité pour la cause wendat. En 1982, par exemple, il a participé à une cérémonie avec trois de ses frères dans le parc national de la Jacques-Cartier en sachant que les activités les mèneraient à une arrestation.
Dans une cause qui allait passer à l’histoire (la Reine contre Sioui), la Cour suprême du Canada lui donnera raison le 24 mai 1990. Le document en cause, la Loi sur les parcs, signé par le général James Murray et le chef huron-wendat en 1760, ne doit pas empêcher les Autochtones de couper des arbres et de faire des feux dans une forêt ancestrale.
L’accusation d’avoir enfreint les sections 9 et 37 de cette loi est donc rejetée par le plus haut tribunal du pays.
«Le juge en chef Antonio Lamer détermine que l’occupation du territoire par la Couronne est sujette aux droits et coutumes des Hurons-Wendats. Bien que le parc national de la Jacques-Cartier soit occupé par la Couronne, les Hurons-Wendats ont quand même le droit de pratiquer leurs coutumes sur la terre», peut-on lire dans l’Encyclopédie canadienne.
Douce revanche quand on pense que la création du parc, en 1906, avait nécessité l’expulsion d’Autochtones.
LE MOT CANADA VIENT DE LA LANGUE HURONNE
C’est à la langue iroquoïenne, parlée par les Hurons-Wendats, qu’on doit le nom «Canada», une déformation de «Kanatha». Un mot qui signifie «ville» ou «village».