L'Europe intègre l'effet Trump dans ses prévisions économiques

AFP
La Commission européenne devrait abaisser lundi ses prévisions de croissance pour cette année et la suivante dans la zone euro, en intégrant l'impact des taxes douanières imposées par Donald Trump sur sa santé économique déjà fragile.
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Les chiffres sont attendus en fin de matinée. Mais il semble acquis que le commissaire à l'Économie, Valdis Dombrovskis, annoncera une réduction de la hausse espérée du produit intérieur brut (PIB) pour les 20 pays partageant la monnaie unique.
L'exécutif européen restait depuis novembre sur un pronostic de +1,3% en 2025 et +1,6% en 2026, soit une croissance modeste, mais en progression, après +0,4% en 2023 et +0,7% l'an dernier.
L'Europe est enlisée dans la stagnation depuis fin 2022, en raison de la hausse des coûts de l'énergie consécutive à l'invasion de l'Ukraine par la Russie qui pénalise son industrie. Elle devrait reconnaître lundi que le rebond tant attendu n'est pas pour tout de suite.
La faute au nouveau président américain qui a multiplié les annonces de taxes douanières tous azimuts, jetant un coup de froid sur la conjoncture mondiale.
Les nouveaux droits de douane devraient créer de l'inflation, réduire les flux commerciaux, rogner les bénéfices des multinationales, tandis que l'incertitude liée aux changements de pied incessants du locataire de la Maison-Blanche érode la confiance des entrepreneurs et retarde leurs projets d'investissements.
«Le monde a changé» avec Trump
«Le monde a changé depuis novembre», constate Charlotte de Montpellier, économiste pour la banque ING, soulignant que de nombreux experts ont abaissé leurs prévisions ces derniers mois.
La Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont tour à tour, en mars et avril, réduit de 0,2 point leurs pronostics de croissance pour 2025 et 2026.
Ces deux institutions tablent désormais respectivement sur une hausse du PIB de 0,9% et 0,8% cette année pour la zone euro et s'accordent sur une progression de 1,2% l'an prochain.
L'inquiétude autour de l'inflation est maintenant reléguée au second plan. La BCE, chargée de garantir la stabilité des prix, a certes un peu revu en hausse l'évolution attendue pour cet indicateur en 2025, à 2,3%, mais il se rapproche de l'objectif fixé à 2%.
Le talon d'Achille de l'Europe est la croissance, et elle ne peut mettre toutes ses difficultés sur le dos des crises successives: pandémie de Covid en 2020, invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, tensions commerciales avec Donald Trump en 2025.
«Défis structurels»
«On se bat à la fois avec des défis conjoncturels et des défis structurels», souligne Charlotte de Montpellier. «On peut voir le verre à moitié plein et dire que finalement, malgré toutes ces crises, on continue à avoir de la croissance, mais on est dans une situation assez morose depuis plusieurs années», remarque-t-elle.
L'Europe subit un décrochage face aux États-Unis et doit se réformer radicalement si elle veut éviter «une lente agonie», a averti l'ancien président de la BCE, Mario Draghi, dans un rapport publié en septembre.
Il a plaidé pour des investissements massifs dans l'innovation numérique, la transition verte et les industries de défense.
Message entendu. Le projet de «bazooka» d'investissements du nouveau chancelier allemand Friedrich Merz, pour moderniser les infrastructures de la première économie européenne et renforcer son armée, devrait apporter un soutien décisif à la croissance de l'UE à partir du deuxième semestre.
L'Union européenne s'est par ailleurs engagée à mettre en œuvre les principales recommandations du rapport Draghi, comme l'allègement de réglementations qui pénalisent la compétitivité ou encore la création d'un véritable marché unique de la finance afin d'éviter que les meilleures start-up européennes s'exilent aux États-Unis pour y trouver les capitaux dont elles ont besoin.
«Il y a un peu de lumière au bout du tunnel, mais, avant le bout du tunnel, il reste pas mal d'obstacles», observe Charlotte de Montpellier.
L'Europe, coupée des hydrocarbures russes bon marché, contrairement à l'Asie, et qui ne produit ni son gaz ni son pétrole, contrairement aux États-Unis, continue de voir souffrir ses entreprises industrielles dans l'automobile, la chimie ou la sidérurgie.
Et l'Europe reste à la traîne dans les technologies numériques, comme les logiciels ou l'intelligence artificielle.