«L’argent du peuple est dilapidé»: un dirigeant de Pizza Salvatoré dénigre le milieu culturel, le ministre réagit
Anne-Sophie Poiré
Si le milieu culturel québécois crie famine et doit «toujours demander de l’argent» au gouvernement, c’est peut-être parce que le contenu est «de la marde». C’est l’hypothèse avancée par l’un des dirigeants de Pizza Salvatoré dans une vidéo publiée sur TikTok. Ses propos ont semé la colère de plusieurs acteurs du milieu artistique, dont le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe.
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«J’avais l’air d’être avec une gang d’extraterrestres, ça n’avait aucun bon sens. Ils [les acteurs du milieu de la culture] reçoivent déjà des millions et des millions et des millions et des millions, pis il n’y a personne qui s’intéresse à ce qu’ils font. La seule chose qu’ils disent, c’est qu’ils n’ont pas assez d’argent», a lancé Guillaume Jr Abbatiello à la caméra de son téléphone cellulaire, assis dans sa voiture.
Le coprésident du Groupe Abbatiello participait samedi à l’émission Tout peut arriver, diffusée sur les ondes d’ICI Première, où il a partagé le micro avec le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe.
La question du manque de financement du milieu culturel québécois a largement été abordée dans le studio de Radio-Canada. Mais, plutôt que de donner son opinion, il a préféré attendre d’être dans son véhicule pour tourner une vidéo dans laquelle il s’exprime sur le sujet.
«Quand nos affaires ne fonctionnent pas, on ne va pas dire au gouvernement de nous donner de l’argent», signale celui qui était, dit-il, «le seul entrepreneur autour de la table».
Il suffit de se demander «pourquoi ça ne fonctionne pas» et si «le contenu qu’on fait est de la marde», plaide-t-il dans sa vidéo, qui comptait plus de 60 000 visionnements avant d’être effacée mardi après-midi.
De l’argent gaspillé
L’homme d’affaires croit que l’argent investi dans la culture est un «gaspillage» qu’il compare aux centaines de millions perdus dans le scandale SAAQclic.
«C’est complètement déconnecté comme discours, jamais d’introspection. Ça me fait capoter. C’est dans la lignée de SAAQclic. C’est pareil. L’argent du peuple est dilapidé ben raide», analyse Guillaume Jr Abbatiello.
Il explique qu’avec des téléphones «Samsung et des iPhone à 1000 piasses», son entreprise est capable de faire mieux que Tout le monde en parle et ses quelque 600 000 «cotes d’écoute».
Le Groupe Abbatiello générerait 83 millions de visionnements par mois sur les réseaux sociaux, selon lui.
Le copropriétaire de Pizza Salvatoré n’a cependant pas manqué de rappeler l’apparition de son entreprise au dernier Bye Bye, devant ses quelque 3 millions de téléspectateurs.
«Être parodié au Bye Bye, c’est très bon pour les affaires», a-t-il mentionné dès le début de son entrevue avec Marie-Louise Arsenault, samedi.
Le milieu en colère
Dans une vidéo diffusée mardi après-midi sur Instagram, le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, s’est dit «profondément en désaccord» avec les propos de Guillaume Jr Abbatiello et «franchement insulté».
Il souligne que «nos auteurs, nos autrices s’illustrent plus que jamais sur la scène internationale, nos films fracassent des records, remplissent les salles au Québec, mais gagnent aussi des prix à l’international».
Au Québec, les retombées économiques directes des produits culturels s’élevaient à 17,4 milliards $ en 2022 ou 3,4% du PIB provincial, selon l’Institut de la statistique du Québec.
À titre comparatif, le PIB de la restauration commerciale et des débits de boissons en entier atteignait 5,8 milliards $ en 2023, selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).
En plus du ministre de la Culture, des dizaines d’artistes ont réagi à la vidéo sur les réseaux sociaux.
«Il y a bien des artistes qui vont manger du Domino’s», a commenté Kim Lévesque-Lizotte.
Louis Morissette a affirmé vouloir mettre fin au partenariat d’affaires entre la chaîne Salvatoré et son balado.
«Sans surprise, Entre la poire et le fromage aura un nouveau partenaire d’affaires», a-t-il annoncé sur son compte Instagram.
Au moment d’écrire ces lignes, le Groupe Abbatiello n’avait pas répondu à notre demande d’entrevue.
– Avec Maude Larin-Kieran