L’AMP demande à la SAAQ de suspendre les contrats du projet SAAQclic

Nicolas Lachance
Malgré le fiasco mis au jour par le Vérificateur général du Québec, rien n’a changé dans SAAQclic. Le chien de garde des contrats publics ordonne donc au PDG de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) de suspendre pour 30 jours tous les contrats du projet.
L’Autorité des marchés publics (AMP) remet en doute les actions prises par les dirigeants de la SAAQ depuis les révélations du fiasco SAAQclic.
«Les entrevues que l’AMP a réalisées depuis le mois dernier révèlent que la SAAQ n’a mis en place aucune mesure d’atténuation depuis le dépôt du rapport de la vérificatrice générale du Québec concernant les dépenses de fonds publics pour le projet CASA/SAAQclic», dénonce l’organisation.
«Les constats préoccupants que contient ce rapport n’ont pas non plus provoqué de changements significatifs dans les façons de faire de la société d’État, laissant présager que la SAAQ poursuit sa gestion contractuelle de manière identique.»
En juin 2024, la SAAQ a signé deux nouveaux contrats, l’un de 110 millions $ et l’autre de 75 millions $, pour des services professionnels permettant d’aider à la poursuite de la transformation numérique. Or, selon l’AMP, ces services étaient déjà inclus dans le contrat initial de 2017.
L’AMP demande ainsi à la SAAQ de suspendre le contrat-cadre ainsi que tous les mandats qu’elle a octroyés pour l’obtention de services professionnels. Même les contrats à venir concernant le projet CASA/SAAQclic doivent être mis sur la glace.
Legault et Guilbault sur la défensive
Le premier ministre doute toutefois de cette conclusion, soutenant que son gouvernement a nommé un nouveau PDG en 2023 pour faire le ménage.
«Il y a un nouveau président en qui on a confiance qui est en train de s’assurer justement que les pratiques soient changées», a déclaré le premier ministre, qui remet aussi maintenant en question ce fiasco.
Après le déploiement catastrophique de SAAQclic, la ministre des Transports Geneviève Guilbault avait remplacé le PDG Denis Marlsolais par le haut fonctionnaire Éric Ducharme. C’est sous son mandat que la SAAQ a poursuivi ces pratiques contractuelles, indique l’AMP.
En après-midi jeudi, la ministre Guilbault a contourné les questions des journalistes sur le rapport de l’AMP. Elle a refusé de réitérer sa confiance envers Éric Ducharme, mais a plaidé que «le PDG travaille fort» et qu’elle a «des rencontres régulières» avec lui.

Son collègue responsable des Infrastructures, Jonatan Julien, a également clamé son ignorance dans le dossier. «J’ai juste vu le titre. Je vais regarder ça attentivement», a-t-il lancé.
Sortant de la même période de questions, les députés des partis d’opposition avaient pourtant eu le temps de s’informer des grandes lignes de la décision de l’AMP.
Démissions réclamées
À la suite du rapport du VGQ en février dernier, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, avait demandé à l’AMP d’enquêter sur l’octroie du contrat SAAQclic. «On prend acte de la décision des marchés publics», a-t-elle dit.
Le libéral Monsef Derraji a qualifié la situation «de déplorable» et il réclame la démission de la ministre Geneviève Guilbault et le retrait du PDG de la SAAQ.
«Elle sert à quoi la ministre des Transports? Il y avait un rapport extrêmement accablant sur ce qui se passe à l’intérieur de la SAAQ et la ministre ne gère plus sa fougère», a déploré le député. «C’est très grave [...] Elle a fait quoi pour rassurer la population?»
Le péquiste Joël Arseneau en ajoute: «Rien n’a été fait... Les bras croisés. Et, hier encore, le premier ministre niait qu’il puisse y avoir eu un dépassement de coût de 500M$», a-t-il dénoncé, signalant que l’AMP rappelle le gouvernement à l’ordre. Le solidaire Haroun Bouazi soutient que la décision de l’AMP est «terriblement inquiétante».
Problème avec le contrat
Selon le VGQ, l’entreprise SAP Canada inc. a conseillé la SAAQ avant la publication de l’appel d’offres du contrat CASA/SAAQclic.
Dans son rapport, le VGQ révèle que l’entreprise a ensuite bizarrement remporté le contrat.
Elle est devenue la fournisseuse du logiciel.
«Ils avaient un avantage lorsqu’ils arrivent pour préparer l’appel d’offres», a signalé la vérificatrice générale Guylaine Leclerc, précisant que l’entreprise avait rencontré une quarantaine d’employés de la SAAQ durant les préparatifs. «C’est celui qui a gagné, et lui, il avait participé à l’établissement des besoins. Ce qui fait qu’il y avait un certain avantage.»
En plus des retards et des ratés, la facture du projet CASA/SAAQclic atteindra au minimum 1,1 milliard $ en raison du déploiement catastrophique du système.
Le chien de garde des contrats publics «requiert que la SAAQ lui soumette par écrit, sans délai, un plan d’action identifiant les mesures prises pour donner suite à ces ordonnances et les échéances prévues pour leur mise en œuvre, de même que les explications permettant d’établir que ces mesures, sur les plans qualitatif ou quantitatif, répondent aux ordonnances».
– Avec la collaboration de Patrick Bellerose
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