Kleptocratie


Mathieu Bock-Côté
Kleptocratie: je sais, le terme ne vous est pas familier, et vous vous demandez peut-être, en le lisant, ce que les kleptocrates mangent en hiver.
On me pardonnera de faire un instant le prof.
La kleptocratie désigne, au sens strict, un régime avec des voleurs au pouvoir.
De manière plus soft, il désigne un régime ravagé de l’intérieur par une corruption systémique.
La corruption n’est plus seulement le cas de tel bureaucrate, de tel politicien, de tel parti: elle s’est normalisée comme pratique, au point même où ceux qui s’y adonnent n’en sont même plus minimalement conscients.
Argent
Vous me voyez venir: le scandale entourant SAAQclic laisse croire que le Québec est devenu une kleptocratie.
Je le précise tout de suite: je ne parle pas d’une personne en particulier.
J’ai toujours détesté les lynchages publics et l’étrange manie voulant faire porter les dérapages de tout un système à un seul homme, qui le personnifie soudainement. Non pas que je veuille déresponsabiliser les individus. Mais il faut voir les problèmes à bonne hauteur. Et dans le cas présent, ce sont en effet des problèmes systémiques qui ressortent.
On se consolera peut-être en se disant que la chose est vraie partout en Occident et partout dans le monde. Ou on ne se consolera pas. Car le malheur constaté d’un voisin n’efface pas le nôtre. La douleur des autres ne relativise pas toujours sa propre douleur.
Et dans les circonstances, l’effrayante gabegie qui se dévoile sous nos yeux a de quoi effrayer.
Ce sont des millions, des dizaines de millions, et à terme, des centaines de millions qu’on gaspille dans l’inconséquence la plus totale.
C’est le principe même de l’argent public qui fait problème.
Car il n’y a pas d’argent public. Il y a la richesse produite par les entreprises, par les investisseurs et par les travailleurs, que l’État se permet ensuite de confisquer en l’imposant et en le taxant, apparemment, pour livrer des services essentiels.
Mais dans les faits, ces sommes immenses servent trop souvent à financer des lubies idéologiques, à donner de l’argent à des groupes réussissant à imposer leurs obsessions à l’ensemble de la société, ou à subventionner telle ou telle entreprise qui par elle-même n’atteint pas les seuils élémentaires de rentabilité.
Impôts
Et ces sommes servent aussi à entretenir les amis du régime et les amis des amis du régime, qui considèrent avoir un droit sur l’argent des autres à condition de brandir le fanion du bien commun.
En fait, il existe toute une caste bureaucratique qui se maintient, avec ses emplois et ses privilèges, en vampirisant la richesse produite par le privé.
Cette caste cherche ensuite à culpabiliser tous ceux qui voudraient baisser vraiment les impôts. Elle les traite de sans cœur et explique que l’État n’a jamais les moyens de redonner aux citoyens l’argent qu’il leur a confisqué.
Dans les faits, elle ne veut pas voir se tarir sa source financière.