«J’y pense toujours»: des Québécois pris pour cible à cause de leur Tesla

Marie-Laurence Delainey
Des voitures vandalisées, des propriétaires intimidés: après les États-Unis et des pays européens, c’est au tour des Québécois d’être victimes d’actes de violence commis contre la marque Tesla.
«La personne qui m’a fait ça ce matin, ça a changé quoi? Je n’ai aucun pouvoir politique. Ça fait juste coûter de l’argent à la classe moyenne qui a de la misère en ce moment», soutient Dakota McCarthy.
Le Sherbrookois de 29 ans s’est fait réveiller par son voisin jeudi matin pour se faire dire qu’il y avait une énorme croix gammée noire sur sa Tesla blanche, qu’il a depuis un mois seulement. «C’est juste stupide [...] On n’a pas acheté la voiture pour son propriétaire [mais bien] pour économiser, car on fait Ottawa-Sherbrooke plusieurs fois dans la semaine», déplore-t-il. Les images de caméras de surveillance du voisin en question ont été remises au Service de police de Sherbrooke.
Cette histoire vient s’ajouter aux actes de vandalisme répertoriés sur des voitures et sur la façade d’un concessionnaire Tesla à Montréal plus tôt cette semaine. Des propriétaires de Tesla rapportent aussi avoir été intimidés depuis le rôle accru joué par Elon Musk dans l’administration de Donald Trump.

Une femme et ses enfants ciblés
Une femme de la région de Gatineau a été invectivée à deux reprises au cours des dernières semaines, alors qu’elle était immobilisée dans un stationnement au volant de son modèle 3. «J’avais mes deux jeunes enfants sur le banc arrière et il y a un monsieur qui a commencé à crier: “Eille, swasticar! Qu’est-ce que tu fais avec un swasticar?”», relate celle qui préfère garder l’anonymat, justement, car elle craint pour la sécurité de sa famille. L’expression swasticar vient de la combinaison de swastika (croix gammée) et de car (voiture en anglais). Ce jeu de mots est devenu populaire depuis le geste d’Elon Musk interprété par plusieurs comme un salut nazi lors d’un rassemblement de Donald Trump fin janvier. «La deuxième fois, il faisait noir, c’était quand même tard, il y a un homme qui est venu cogner à ma fenêtre et qui a commencé à m’engueuler», ajoute-t-elle.
Le Québec et le Canada étaient jusqu’à présent épargnés par les actes de violence visant Tesla. Aux États-Unis, de nombreux concessionnaires, des voitures et des bornes ont été incendiés et vandalisés dans les dernières semaines. Le Salon international de l’auto de Vancouver, qui se tient jusqu’au 23 mars, a d’ailleurs retiré la marque de sa liste de participants pour des «raisons de sécurité».
Crachat sur sa Tesla

Un homme de Sainte-Thérèse, dans les Laurentides, a eu une mauvaise surprise il y a quelques jours après s’être absenté seulement une vingtaine de minutes de sa voiture stationnée dans l’avenue Christophe-Colomb à Montréal: «Je suis arrivé et j’avais tout un beau crachat sur ma fenêtre, quelque chose d’impressionnant, la personne avait des poumons en forme», décrit avec sarcasme Jean-François Messier. «C’est vrai qu’on ne peut pas dire que c’est exactement à cause de cette raison-là, mais il y a des comportements avec la voiture, présentement, que je [ne voyais] pas avant, des gens qui respectent moins les Tesla, je me fais couper plus souvent, dévisager. J’ai d’autres véhicules aussi. Avec les autres, je sens une forme de respect», ajoute-t-il.
Que l’on connaisse le motif ou non des agressions, de nombreux conducteurs de Tesla sont maintenant nerveux ou évitent même de conduire leur voiture. «C’est tellement dur, parce que moi, je n’ai rien à faire avec Trump, Elon Musk, je voulais juste avoir un véhicule qui cause moins de dommages environnementaux», déplore la femme de la région de Gatineau.
Une étudiante de l’Université Concordia dit, elle aussi, avoir peur de conduire sa Tesla. «Je suis quand même consciente que ça se passe à d’autres places. C’est sûr que j’y pense toujours, je suis au centre-ville souvent. Montréal c’est quand même un peu crazy des fois», explique Mélina Mailhot.
Khadir regrette son achat
Vendredi, sur les ondes de QUB radio, au 99,5 FM à Montréal, Amir Khadir a réagi à la vague de vandalisme. «Je suis pogné», a-t-il lancé au micro de Mario Dumont. «J’ai acheté ça avant qu’Elon Musk délire», a-t-il ajouté.
Pour sa part, Thierry St-Cyr, ex-député du Bloc Québécois, anciennement chez Téo Taxi, a aussi voulu se distancier d’Elon Musk en apposant un autocollant sur sa voiture.

«Je veux retrouver ma fierté de conduire ma Tesla. Dans les derniers mois, j’avais perdu cette fierté-là», conclut-il.
– Avec la collaboration de Francis Halin.