Justin Trudeau n’a pas à se mêler de la laïcité québécoise

Guy Perkins, Chroniqueur QUB Radio, Pensée Critique et Laïcité
Dans une ère où le fait de dire que la Terre est ronde relève presque de l'audace, je me suis demandé comment pousser la réflexion à un autre niveau. Mon livre Les chimpanzés rêvent-ils d'un paradis des bananes ? - Comment j'ai fait une croix sur la religion explore notre addiction collectivement anachronique aux croyances irrationnelles.
À ma grande fierté, il a été salué comme un argument de poids en faveur de la loi 21 sur la laïcité au Québec, une loi actuellement dans le collimateur du gouvernement fédéral.
Inspiré par Yann Martel, ce Don Quichotte littéraire qui a essayé d’élargir les horizons intellectuels de l’ancien premier ministre canadien Stephen Harper, j’ai pris une initiative similaire. Via la députée du Bloc Québécois Julie Vignola, un exemplaire de mon livre a été remis à Justin Trudeau lors de la session parlementaire du 27 septembre. Non pas pour l’éclairer – ce serait une ambition trop grande – mais pour marquer un point.
- Écoutez son segment avec Richard Martineau via QUB radio :
Croyances religieuses
À peine nommé, lors du dernier remaniement ministériel cet été, le nouveau ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, a réitéré l’intention du gouvernement d’intervenir dans la contestation de la loi sur la laïcité du Québec. Ce qu’il ne semble pas comprendre, c'est que l'intervention d'Ottawa dans ce dossier est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine: bien intentionné peut-être mais terriblement destructeur.
En se mêlant de la laïcité québécoise, le gouvernement fédéral méprise une décision démocratique prise par notre Assemblée Nationale et occulte le fait que la Constitution canadienne, sur laquelle il se rabat, n’a jamais été ratifiée par le Québec. Quel bel acte de prestidigitation constitutionnelle !
Mon livre pose une question simple: pourquoi continuons-nous à accorder de l’importance aux croyances religieuses et irrationnelles dans une société comme la nôtre façonnée par la science et la rationalité ? Cela relève, selon moi, d’un véritable esprit progressiste. Appliquons cette question à la loi 21.

Monde rationnel
Pourquoi le gouvernement fédéral, se prétendant l’archétype de la modernité, se bat-il pour des idées qui sentent la moisissure ? Car il y a quelque chose de fondamentalement obsolète dans cette lutte acharnée contre une loi qui vise simplement à séparer formellement le religieux du politique dans une société prétendument évoluée.
Je n’attends pas de réponse de la part de Monsieur Trudeau, pas plus que Yann Martel n’en a reçu de Monsieur Harper. Mais si mon livre peut servir de marque-page dans le gros roman de nos débats publics, ce sera déjà une petite victoire. Car, comme le dit Martel, « les livres sont patients. » Et il en faut beaucoup pour changer les mentalités.
J’invite donc le premier ministre Trudeau à s’asseoir avec mon livre. Peut-être découvrira-t-il qu’il y a des questions plus essentielles que celles posées par son bureau d’Ottawa. Ou peut-être restera-t-il dans son ignorance assumée, prouvant que l’ère de l’irrationnel est loin d’être révolue.
Moi, je continue à rêver d'un monde plus rationnel. Et vous ?
Guy Perkins, Chroniqueur QUB Radio, Pensée Critique et Laïcité