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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Juste pour rire se met à l’abri de ses créanciers

Les festivals sont annulés pour cet été

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Photo portrait de Raphaël Gendron-Martin

Raphaël Gendron-Martin

2024-03-05T15:08:16Z
2024-03-05T21:31:00Z
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Grosse onde de choc dans le milieu de l’humour. En raison de dettes de plusieurs millions, le Groupe Juste pour rire a décidé d’annuler ses festivals Juste pour rire et Just For Laughs pour cet été et a déposé un avis d’intention de faire une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité du Canada. La porte n’est toutefois pas fermée à un retour du festival en 2025.

• À lire aussi: Les locaux de Juste pour rire saisis à Montréal

Le Groupe Juste pour rire envisage une restructuration complète de l’entreprise. Pour ce faire, 75 employés ont été remerciés mardi matin. La compagnie traînerait des dettes de plusieurs dizaines de millions de dollars.

«Ce processus permettra à JPR de restructurer ses activités et de chercher des investisseurs ou des acheteurs stratégiques pour l'ensemble ou une partie de ses activités, dans le but de maximiser la valeur pour les parties prenantes et, dans la mesure du possible, préserver la continuité des activités», peut-on lire dans un communiqué.

  • Écoutez la rencontre Durocher-Montpetit avec Sophie Durocher via QUB radio :

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JPR, JFL et Zoofest dans le tordeur

Ainsi, l’édition 2024 du festival Juste pour rire, de même que celle de Just For Laughs, n’aura pas lieu en juillet. La compagnie ne ferme pas la porte à ramener le festival plus tard cette année sous une autre forme. «Une fois la restauration complétée, nous espérons que le festival aura lieu en 2025», affirme-t-elle dans le communiqué.

Le «petit frère» de Juste pour rire, Zoofest, passe aussi dans le tordeur. Le festival orienté vers la relève en humour aurait présenté sa 15e édition cet été.

Du côté des tournées produites par Juste pour rire, contrairement à ce qui a été annoncé hier matin, elles restent toujours à l’affiche, et les humoristes, dont Eve Côté, Louis T. et Jean-Sébastien Girard, ont demandé au public de ne pas se faire rembourser leurs billets pour le moment [voir autre texte].

La vente a tout changé

Contacté par Le Journal, un ancien employé de Juste pour rire, qui a demandé l’anonymat, a affirmé que le groupe avait perdu beaucoup d’argent l’an dernier avec ses festivals à Londres, Toronto et Montréal. «C’est sûr que la situation financière ne devait pas être très bonne. Et quand un festival ne va pas bien, le compte de banque de production sert à payer les dettes.»

Pour ce dernier, c’est la vente de Gilbert Rozon à de nouveaux propriétaires en 2018 qui a tout changé. Bell et evenko, de même que les Américains ICM Partners, maintenant Creative Artists Agency, s’étaient partagé les parts.

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«Avant, c’était une compagnie familiale qui avait un patron qui prenait des risques. Là, ce sont des directeurs qui dépendent d’un conseil d’administration. Donc, tout devient de la business. Ce n’est pas la même approche.»

Les revenus ne suivaient pas

Pour Martin Roy, du Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), la situation est «extrêmement difficile pour les festivals qui sont présentés gratuitement. C’est l’épicentre des problèmes. [...] Il y a une augmentation considérable des frais de production et d’opération. Et les revenus ne suivent pas cette courbe-là».

Le président du REFRAIN (Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants), Patrick Kearney, s’attriste de cette faillite. «On perd un gros joueur. Juste pour rire était dans les précurseurs des festivals au Québec.»

Également directeur général du festival Santa Teresa, Patrick Kearney souhaite que l’argent public qui était annuellement versé à Juste pour rire – on parlerait de six à sept millions – vienne en aide à d’autres festivals de la grande région métropolitaine. «Ce sont eux qui font que la région est riche en événements culturels.»

Ce qu'ils ont dit:

«C’est avec regret que j’ai appris la décision du Groupe Juste pour rire. Je tiens à saluer le travail et le dévouement de l’ensemble des employé-es, qui contribuent énormément au rayonnement de l’humour et de Montréal. Le Festival Juste pour rire nous manquera cet été. C’est un rendez-vous phare de la scène culturelle montréalaise et dans la programmation estivale du Quartier des spectacles. Espérons que les activités de restructuration du groupe lui permettront de faire un retour. L’humour fait partie intégrante de notre culture et nous allons continuer de le soutenir. J’ai demandé aux équipes de la Ville de Montréal de prendre contact avec l’organisation pour évaluer les suites envisagées.»

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– Valérie Plante (mairesse de Montréal)

«Le festival Juste pour rire, c’est un riche héritage, un emblème de notre milieu culturel qui a fait rayonner le Québec à l’international. Mes pensées sont d’abord et avant tout avec les employés mis à pied et les artistes touchés par cette nouvelle du Groupe JPR.»

– Mathieu Lacombe (ministre de la Culture)

«Toutes mes pensées aux artistes, artisans et à l'organisation du Groupe Juste pour rire. Juste pour rire fait rayonner notre culture et met en lumière notre relève artistique depuis tellement d'années grâce à ses spectacles, festivals et productions. Nul doute que l'annulation de l'édition 2024 du festival Juste pour rire va laisser un grand vide culturel et économique pour notre métropole.»

– Marc Tanguay (chef intérimaire du Parti Libéral)

«Aux gens qui perdent leurs emplois aujourd’hui, aux collègues qui perdent leur show, à ceux qui avaient hâte aux festivals cet été pour renflouer les coffres et au public qui avait hâte de se divertir; je vous envoie une ostie de grosse dose d’amour!»

– Christine Morency (humoriste)

«Je suis de tout cœur avec les gens affectés par ce qui se passe avec Juste pour rire. Je suis de tout cœur avec mes collègues et tous ces artisans qui portent cette entreprise à bout de bras au travers les tempêtes depuis quelques années déjà. Derrière ce logo emblématique qui tombe, des pigistes perdent une partie de leur revenu, des pères et des mères de famille perdent leur emploi.»

Jonathan Roberge (humoriste)

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Juste pour rire en 10 dates

1983: Le festival Juste pour rire voit le jour, fondé par Gilbert Rozon.

1985: Le pendant anglophone – Just for Laughs – est créé pour faire rayonner l’humour dans les deux langues.

1988: Le festival Juste pour rire débarque dans la rue. Un volet extérieur s’ajoute à la programmation en salles, lui aussi accompagné du thème musical composé par nul autre que Serge Fiori.

1990: Une filiale française de Juste pour rire est inaugurée à Paris, permettant au Groupe Rozon – fondé par Gilbert Rozon – de faire son entrée en Europe.

1993: Le Musée Juste pour rire ouvre ses portes dans un local adjacent à l’édifice du Groupe Juste pour rire, rue Saint-Laurent. L’établissement fermera ses portes en 2011.

2006: Le festival Juste pour rire s’exporte avec une toute première édition tenue à Nantes, en France. Dans les années suivantes, c’est à Toronto, puis à Chicago et Sydney que des événements seront organisés pour le fleuron québécois.

2009: Zoofest – petit frère du festival Juste pour rire – est mis sur pied avec pour mandat d’offrir une vitrine aux talents émergents.

2010: Le festival Juste pour rire déménage ses activités extérieures; après plus de deux décennies à occuper le Quartier latin, c’est désormais sur la Place des festivals qu’on donne rendez-vous au public.

2017: En plein mouvement #MeToo, Gilbert Rozon quitte ses fonctions de président du Groupe Juste pour rire à la suite d'une série de témoignages de femmes disant avoir été victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles de la part du magnat de l’humour québécois.

2018: Le Groupe Juste pour rire est vendu à la Creative Artists Agency (à l’époque ICM Partners) qui en détient 49%. Bell Media et le Groupe CH se partagent quant à eux 51% des parts.

– Avec la collaboration de Bruno Lapointe

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