Jusqu’à 20% de pertes: l’effet controversé de la piétonnisation sur les commerces à Montréal
La transformation des rues montréalaises en espaces piétonniers est saluée par plusieurs acteurs du milieu de la restauration, mais certains commerçants traditionnels, comme M. H. Grover à Verdun, peinent à absorber les conséquences économiques.

Samuel Roberge
La piétonnisation de certaines grandes artères commerciales à Montréal divise: si certains commerçants y voient l’occasion de dynamiser les rues, d’autres doivent composer avec des pertes de revenus parfois importantes.
C’est notamment le cas de Jacob Grover, propriétaire de quatrième génération du magasin de vêtements M. H. Grover, spécialisé depuis 99 ans dans les tailles fortes pour hommes, situé sur la rue Wellington.
«La piétonnisation veut dire la diminution de notre clientèle», indique M. Grover en entrevue au micro d’Isabelle Maréchal, à QUB radio et télé, diffusé simultanément au 99.5 fm Montréal.

Le commerçant estime que ses revenus ont chuté de 15 à 20% pendant la période estivale, une perte difficilement récupérable au cours de l’année.
M. Grover explique que la piétonnisation crée des obstacles pour une grande partie de sa clientèle, souvent à mobilité réduite.
«C'est difficile quand vous venez de loin de venir nous voir en transport public si vous n'êtes pas de la ville de Montréal, précise-t-il. On est à peu près à 800 mètres d'une station de métro. Mais quand on a la mobilité réduite, on ne peut pas toujours venir ici nous voir.»
Des retours «favorables»
Ces contraintes sont bien connues de Patrick Mainville, président de la Société de développement commercial (SDC) Wellington.
«Il y a un ajustement qu'il faut faire à travers les années parce qu'il faut comprendre que c'est assez nouveau comme réalité pour Montréal de faire des rues piétonnes», reconnaît-il également lors de l’émission d’Isabelle Maréchal à QUB.
• Sur le même sujet, écoutez cet épisode balado tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Propriétaire lui aussi d’un commerce au coin des rues de l’Église et de Wellington, M. Mainville a tenu à nuancer les propos de M. Grover.
«On a des retours, habituellement, ils sont favorables, mais ça s'ajuste, mentionne-t-il. Je ne peux pas dire que c'est une majorité complète. Il y a beaucoup d'enjeux par rapport aux commerçants de détail.»
Selon lui, ce sont surtout les établissements de restauration qui profitent de la piétonnisation.
Une «belle ambiance» sur la rue
Michel Dorion, propriétaire du bar Le Cocktail sur la rue Sainte-Catherine Est, en témoigne également.
«Je considère que la piétonnisation, c'est quand même un plus pour notre quartier», soutient-il lors de son passage à QUB. «Ça a toujours été quelque chose de positif pour les commerçants, pour les restaurants, les bars. Ça amène des gens, ça crée une belle ambiance.»
La rue Sainte-Catherine Est est l’une des premières artères montréalaises à avoir été piétonnisées. Mais l’expérience estivale dans le Village n’est pas exempte de difficultés.
«Depuis la fin de la pandémie, il y a beaucoup de problèmes de consommation et de revendeurs», fait remarquer M. Dorion.

Ce constat a d’ailleurs été souvent relayé dans divers reportages .
«C'était violent, ce qui faisait peur aux clients et les faisait fuir des terrasses, ce qui rendait l'activité de piétonnisation vraiment désagréable», ajoute le propriétaire du bar Le Cocktail.
Il souligne cependant que des efforts sont déployés pour améliorer la situation.
«On a vu beaucoup de travail fait par la SDC du Village et le Service de police, indique-t-il. Cette année, il y a beaucoup de policiers qui ont été ajoutés, qui vont patrouiller dans le quartier.»
Concept à travailler
Heureusement, ces problèmes liés à la consommation de drogue ne semblent pas toucher la rue Wellington.
Reste que la baisse du chiffre d'affaires pour certains détaillants demeure un enjeu central.
«On essaie de trouver des solutions le plus possible. Puis si les commerçants nous disent non, ça va être non. Mais présentement, on sent qu'il y a quand même un engouement», constate M. Mainville.
D’ailleurs, Jacob Grover lui-même reconnaît que la piétonnisation comporte certains avantages.
«Ce n'est pas nécessairement bon directement pour mon magasin, mais je ne veux pas dire que c'est une mauvaise chose», nuance-t-il. «Je fais partie de l'esprit de Verdun. Surtout, ça va faire 100 ans qu'on est là. Je veux travailler avec les Verdunois et les Verdunoises pour améliorer mon quartier. Je pense que la piétonnisation est une bonne chose, mais peut-être qu'il faut la travailler.»
Voyez le segment intégral à l’émission d’Isabelle Maréchal dans les extraits sonores et vidéo ci-dessus.