Jusqu'où ira l'armée de Poutine?

Loïc Tassé
L’attaque potentiellement catastrophique de la centrale nucléaire de Zaporijjia en Ukraine illustre la crainte qui habite les dirigeants du monde entier : la guerre d’Ukraine ne doit pas sortir des frontières de l’Ukraine.
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Autrement, personne ne sait où elle va s’arrêter. C’est aussi la raison pour laquelle les dirigeants de l’OTAN ont refusé de créer une zone d’exclusion aérienne autour de Kyïv. Les pays de l’OTAN veulent éviter une confrontation militaire directe avec la Russie. Ils suivent en cela la vieille grammaire des conflits qui régulait les relations entre les États-Unis et l’URSS, au grand dam des dirigeants ukrainiens. Il n’empêche, un débordement du conflit hors des frontières de l’Ukraine est toujours possible.
Quel est le problème avec l’attaque de la centrale nucléaire ?
Le bâtiment administratif qui a été attaqué se trouvait à environ 500 mètres d’un des six réacteurs nucléaires de la centrale. Deux choses ont particulièrement inquiété les autorités ukrainiennes. Premièrement, qu’un bâtiment si proche d’un réacteur ait reçu des tirs d’obus, et deuxièmement, que l’armée russe ait au départ bloqué l’arrivée des pompiers. Les premières réactions apeurées des dirigeants ukrainiens s’expliquent par le brouhaha de la guerre. Mais par la suite, la propagande ukrainienne qui a évoqué le danger d’un accident nucléaire qui aurait forcé tous les Européens à déménager de leur pays était fortement exagérée. Le gouvernement ukrainien aimerait que la guerre s’étende à d’autres pays, pour affaiblir l’armée russe.
L’armée russe pouvait-elle faire autrement ?
Il est attendu dans une logique d’une invasion que l’ennemi cherche à s’emparer des principales infrastructures d’un pays. Mais l’armée russe aurait pu capturer la centrale sans en bombarder un des bâtiments administratifs. La plus grande prudence est de mise dans un environnement aussi dangereux. Le manque de professionnalisme de l’armée russe inquiète. L’apparente insouciance de cette armée face à une possible catastrophe nucléaire a eu l’effet d’un électrochoc sur les dirigeants européens. Désormais, le leadership de l’armée russe pose problème, en plus de celui de Vladimir Poutine.
La guerre restera-t-elle confinée à l’Ukraine ?
Trois éléments en particulier pourraient étendre la guerre hors de l’Ukraine. Premièrement, que l’armée russe mette directement en danger la sécurité du reste de l’Europe. C’est ce qui aurait pu se produire si un réacteur nucléaire avait été bombardé. Deuxièmement, que la Russie attaque un pays de l’OTAN, par exemple pour empêcher la Pologne de servir de territoire de transit à l’armement destiné aux Ukrainiens. Troisièmement, que l’économie russe s’effondre rapidement et mette en péril le pouvoir des dirigeants russes actuels, ce qui pourrait mener à un ultimatum militaire russe contre les pays qui imposent des sanctions.
La logique de la Guerre froide s’applique-t-elle encore ?
La Guerre froide est demeurée froide parce que les puissances nucléaires ne se sont jamais attaquées directement, même si l’URSS et les États-Unis ont toujours laissé planer un doute sur le passage d’un conflit avec des armes conventionnelles à un conflit avec des armes nucléaires. En 2020, la Russie a publié une nouvelle doctrine de guerre qui stipule que l’armement atomique est dissuasif et ne doit être utilisé que comme mesure extrême et forcée. Reste à savoir ce qu’est une mesure extrême et forcée. Mais en apparence, la logique de la Guerre froide est respectée.
L’Ukraine convaincra-t-elle les autres pays à s’engager davantage ?
Non, le temps est compté pour l’armée ukrainienne. Mais il l’est aussi pour l’armée russe et pour Vladimir Poutine.