Du junior A à la LHJMQ
Grand passionné, Jonathan Deschênes a mis de côté son «manque de talent» pour vite gravir les échelons


Jessica Lapinski
Rien ne semblait indiquer que Jonathan Deschênes allait un jour se tenir debout derrière le banc d’une équipe de la LHJMQ. Gardien de but «travaillant», mais qui «manquait de talent», l’adjoint de Stéphane Julien chez le Phœnix de Sherbrooke s’est pourtant retrouvé dans le plus haut niveau junior à seulement 28 ans.
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«La première fois où j’ai joué dans l’équipe pour laquelle je voulais jouer, sans être retranché au camp, j’étais dans le junior AA. Et je n’aurais jamais parié là-dessus!», lance le jeune trentenaire, qui jouait dans le junior A l’année précédente.
Contrairement à tous ses homologues, Deschênes n’a jamais évolué dans le midget AAA ou dans le junior AAA. Non, il a plutôt roulé sa bosse dans les catégories les plus faibles. De quoi inspirer les jeunes de tous les niveaux qui, comme lui, sont passionnés de leur sport et qui rêvent d’en faire leur vie.
Car du hockey, Deschênes en a toujours mangé. Ses plus vieux souvenirs remontent à un match entre le Canadien et les Nordiques, qu’il a écouté aux côtés de son père, Louis.
«C’est flou, mais je me souviens des rouges et des bleus, mentionne l’adjoint originaire de Québec. Plus tard, j’ai demandé à mes parents de m’inscrire au hockey. Ils n’ont pas voulu tout de suite, ils souhaitaient que je fasse une année de patinage artistique.»
«Une fois l’année terminée, je suis débarqué de la glace et j’ai dit: “OK, on m’inscrit au hockey.”»
L’été qui a tout changé
Deschênes a donc toujours été amoureux du hockey. Mais cette éthique qui a caractérisé son fulgurant parcours, elle est venue au début de l’adolescence, quand il a été mis dehors d’un programme sports-études pour... son manque de travail.

«J’aimais ça, mais je ne savais pas comment travailler. Durant l’été, mon père m’a dit que si je voulais continuer le hockey, il fallait que je me trouve un boulot pour payer ma prochaine saison et peut-être une partie de mon équipement.»
Deschênes avait alors 12 ou 13 ans. Il a été embauché dans un centre de jardinage de Québec, où il apportait les achats des clients à leur voiture. «Un bon entraînement!», souligne-t-il aujourd’hui.
Mais pas seulement cela. Car en parallèle, son papa, voyant les efforts de son fils, l’avait inscrit à un autre programme sports-études.
«Ç’a été le point tournant, reconnaît Deschênes. D’être passé près de perdre le hockey que j’aimais autant, ça m’a fait réaliser que je ne voulais jamais que cela m’arrive.»
«Si tu parlais aux entraîneurs des deux programmes, ils auraient une vision totalement différente de moi, renchérit-il. Un dirait que je ne travaillais pas fort fort, mais que j’aimais vraiment ça. L’autre dirait que j’étais parmi les plus travaillants malgré un manque de talent.»
Inspiré par Moneyball
Deschênes ne s’est plus jamais éloigné du hockey. Au contraire, à peine quelques années plus tard, il s’est mis à cumuler les emplois d’entraîneur, en plus de faire un baccalauréat en intervention sportive axée sur le coaching à l’Université Laval.
Il était notamment adjoint chez les Chevaliers de Lévis lorsque l’équipe midget AAA a signé sa saison historique en 2018-2019, avec dans ses rangs un certain Joshua Roy.
Un choix logique pour ce gardien passionné d’offensive, qui buvait les paroles de ses mentors.
En parallèle, à l’université, Deschênes a lancé avec des collègues et des amis sa compagnie de statistiques avancées, PASS Hockey. À l’époque, le concept était un peu new age, reconnaît-il, expliquant avoir été inspiré par le film Moneyball.
Mais cette décision l’a fait tomber dans l’œil de Benoît Groulx, l’entraîneur du Crunch de Syracuse, qui l’a convoqué afin de lui expliquer son concept, puis éventuellement dans celui de Stéphane Julien.
Jonathan Deschênes le reconnaît. Être entraîneur dans la LHJMQ a toujours été l’un de ses objectifs. Mais dans son imaginaire, «c’était beaucoup plus tard!».
«Quand je pensais à ça, avec un ami, je me voyais dans la LHJMQ à 35 ans. Et j’allais atteindre la LNH, mais tellement tard que j’allais mourir cinq ans après.»
Finalement, Deschênes avait 28 ans quand il a reçu l’appel tant attendu du Phœnix. Si la tendance se maintient, l’adjoint inattendu touchera aussi à son but ultime plus tôt que prévu.
LE SILENCE DANS LA VOITURE APRÈS SON ENTREVUE
Si Jonathan Deschênes a déjoué les pronostics en se taillant aussi rapidement un poste comme entraîneur adjoint dans la LHJMQ, il ne croyait jamais non plus qu’il se ferait offrir un tel rôle chez le Phoenix de Sherbrooke.

C’est que son entrevue avec Stéphane Julien, obtenue notamment grâce à un coup de main d’Éric Bélanger et de Mathieu Turcotte, avec qui il a dirigé les Chevaliers de Lévis, avait été pour le moins... corsée.
«Je suis sorti de l’entrevue et j’étais certain que je ne l’avais pas! Steph est revenu trois ou quatre fois à la charge. Il me parlait beaucoup des statistiques avancées.»
«Il m’avait dit : “Là, convaincs-moi que tu sais c’est quoi coacher, au-delà des chiffres et de la vidéo. Parce que tu ne m’as pas convaincu.”»
Si bien qu’en quittant Sherbrooke en direction de Québec, Deschênes a passé une heure et demie perdu dans ses pensées dans sa voiture, à «réinventer son entrevue».
Un appel sur la glace
Mais le passionné n’avait pas à s’en faire autant. Dès le lendemain, alors qu’il était sur la glace dans une école de hockey, il recevait un appel de Julien qui lui offrait le poste.
À Sherbrooke, Deschênes s’occupe notamment de l’avantage numérique du Phoenix, qui figure au premier rang du circuit Courteau cette saison, avec un pourcentage d’efficacité de 29,3 %.
Il a aussi eu la chance de remplacer son patron derrière le banc le temps de quelques rencontres, notamment lorsque Stéphane Julien était avec Équipe Canada junior au Championnat du monde, en début d’année.
S’il admet avoir vécu des sensations fortes, notamment lors de ce match à Québec où, devant 16 000 personnes, il a battu les Remparts de Patrick Roy, Deschênes précise toutefois qu’il se préfère comme adjoint.
«C’est un rêve de petit cul que je ne savais pas que j’avais ! dit-il au sujet de ce match. Peut-être qu’un jour je serai entraîneur-chef, mais je ne crois pas que ce serait ma meilleure chaise.»
Comme ancien gardien, Jonathan Deschênes explique avoir reçu « beaucoup de coaching seul à seul ».
«J’ai apporté ça avec moi. Mais à long terme, mon objectif serait plutôt de monter les niveaux du hockey que d’être entraîneur-chef dans le niveau junior. Du moins, pour le moment.»
«J’aime être proche des joueurs. Qu’ils puissent me parler de pas mal n’importe quoi. Leur transmettre le plaisir d’être à l’aréna. Leur montrer que je suis un travaillant et que je suis là pour eux.»
La prestation de la semaine
FRÉDÉRIC BRUNET

Un but et trois passes jeudi dernier face aux Wildcats de Moncton
Le défenseur des Tigres de Victoriaville a été étincelant dans une victoire de 6 à 3 des Tigres sur les Wildcats de Moncton. Le lendemain, il en a rajouté avec deux passes dans une victoire face aux Foreurs de Val-d’Or. Ces deux matchs lui ont valu le titre de joueur de la semaine dans la LHJMQ.
Le chiffre de la semaine
# 67

La LHJMQ et la Ligue junior de l’Ontario (OHL) fusionneront l’instant d’une soirée, jeudi soir, alors que les Olympiques de Gatineau croiseront le fer avec les 67’s d’Ottawa dans un match qui sera comptabilisé dans les classements dans les deux ligues.
Le duel à surveiller
HALIFAX @ GATINEAU
«Les Mooseheads d’Halifax entament un important périple de trois matchs face aux équipes du Québec en affrontant les Olympiques de Gatineau, qui n’ont perdu qu’un seul de leurs dix derniers matchs.»
▸ Mercredi soir, 19 h, au centre Slush Puppie