Joe Biden, l’ex-président rattrapé par la maladie après une vie d’épreuves

AFP
Il a perdu son fils Beau en 2015, mort d’un cancer du cerveau, et après s’être relevé et avoir conquis la Maison-Blanche, voilà à son tour Joe Biden rattrapé par la maladie.
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Le démocrate de 82 ans, qui a quitté la Maison-Blanche il y a à peine quatre mois, a été diagnostiqué vendredi d’une forme «agressive» de cancer de la prostate.
Joe Biden avait renoncé l’été dernier à se présenter à sa réélection sur fond d’inquiétudes quant à son état de santé, mais les doutes planaient alors davantage autour d’un possible déclin cognitif.
Un livre-enquête doit justement sortir mardi, dans lequel les auteurs racontent comment la Maison-Blanche a caché au monde les faiblesses grandissantes d’un président qui s’est longtemps accroché à sa tentative d’obtenir un second mandat à la tête des États-Unis.
«Ne plie jamais»
Joe Biden est né dans la ville ouvrière de Scranton en Pennsylvanie. Il s’est battu contre l’humiliation dès l’enfance. Moqué pour son bégaiement, il s’en débarrasse en récitant de la poésie.
«Ne te prosterne jamais, ne plie jamais, ne cède jamais», lui répète sa mère, fière descendante d’immigrés irlandais.
Son père, entrepreneur, lui fait comprendre la soif de «dignité» des classes moyennes et la sourde inquiétude face aux fins de mois difficiles.

Joe Biden se lance en politique pendant la guerre du Vietnam. Étudiant en droit, il obtient des dérogations et échappe aux combats. Fondamentalement centriste, préférant les vestons aux imprimés psychédéliques, il jette un regard méprisant sur les manifestations pacifistes.
En 1972, à 30 ans, le grand jeune homme au large sourire est élu sénateur.
Mais peu après, il est frappé par un premier drame: sa femme Neilia meurt dans un accident de voiture avec leur fille encore bébé. Le nouveau sénateur prête serment près du lit d’hôpital de ses deux garçons survivants, Beau et Hunter.
Épreuves de la vie
Avec la professeure d’anglais Jill Biden, épousée en secondes noces et mère de sa fille Ashley, il affronte la mort en 2015 de son aîné adoré, Beau, victime d’un cancer du cerveau.
Puis le couple, extrêmement soudé, s’efforce de soutenir Hunter, aux prises pendant des années avec l’alcool et le crack, et empêtré dans plusieurs affaires judiciaires.
Face aux épreuves de la vie comme aux revers politique, Joe Biden a tiré une capacité d’empathie incontestable et une résilience peu commune. Il fallait cela pour se lancer quatre fois à la conquête de la Maison-Blanche (1988, 2008, 2020 et 2024).

«Un jour, le souvenir [de l’être cher disparu] [fera naître] un sourire [sur] vos lèvres avant d’amener une larme à vos yeux», voilà ce qu’il dira, une fois élu président, aux familles endeuillées qu’il rencontre.
Le démocrate puise de la force auprès de sa seconde épouse Jill Biden. Cette professeure d’université, première First Lady à exercer une activité professionnelle, est le pilier de leur famille recomposée.
Sénateur pendant 36 ans, vice-président pendant huit ans, Joe Biden a toujours voulu la Maison-Blanche. Tant pis si à Washington beaucoup le jugent sympathique, mais trop gaffeur et sans envergure.
En 1988, il se lance, mais doit se retirer à cause d’accusations de plagiat. En 2008, nouvel échec, Barack Obama est élu, mais il l’appelle à ses côtés comme vice-président.
Droiture et dignité
En 2017, Joe Biden, ébranlé par la montée du racisme et de la violence politique, décide de se présenter pour «sauver l’âme» de l’Amérique face à Donald Trump. Après une campagne en mode mineur à cause de la COVID-19, il gagne, faisant au passage de Kamala Harris la première femme, et la première vice-présidente afro-américaine.

Mais à l’été 2021, le relatif état de grâce s’achève avec le chaotique retrait des États-Unis en Afghanistan. S’en suit une poussée historique d’inflation, dont Joe Biden tarde à prendre la mesure.
Sa cote de confiance décroche, pour de bon. Il a beau mettre en place des réformes majeures, orchestrer la réponse occidentale après l’invasion russe de l’Ukraine, limiter les dégâts aux législatives de 2022... Rien n’y fait. Alors que Donald Trump martèle une rhétorique du déclin, le pays ne croit plus à la promesse de prospérité et de réconciliation de Joe Biden.
Après le coup de massue de la victoire du milliardaire républicain, le 5 novembre dernier, Joe Biden a mené une transition parfaitement civile avec un adversaire qu’il avait traité de danger pour la démocratie, s’efforçant d’incarner jusqu’au bout une certaine idée de la droiture et de la dignité.