«Je vais m’en aller à une place encore plus discrète»: un campement de sans-abri longtemps toléré sera démantelé
Le Canadien Pacifique a informé les sans-abri du campement de la voie ferrée de Rosemont, à Montréal, qu’ils devront partir


Anouk Lebel
Un campement d’itinérants toléré depuis au moins trois ans dans Rosemont–La-Petite-Patrie sera démantelé au milieu de la semaine prochaine, a appris Le Journal.
«Ça ne me tente pas de changer ma tente de place toutes les semaines, même aux trois mois. Je vais m’en aller à une place encore plus discrète, plus en marge», confie Raymond*, qui n’a pas voulu faire connaître son vrai nom par mesure de sécurité.
L’homme dans la cinquantaine a planté sa tente il y a un et demi sur le terrain de la voie ferrée, près d’une piste cyclable qui longe la rue Des Carrières.
Certains y ont élu domicile depuis encore plus longtemps, comme un vétéran qui n’a pas voulu s’identifier mais qui dit y avoir son abri depuis plus de trois ans.
Ils affirment que la semaine dernière, des agents du Canadien Pacifique sont venus sur place pour les informer qu’ils devront quitter d’ici le milieu de la semaine prochaine.
«C’était super propre»
Les occupants affirment n’avoir jamais reçu d’avis d’éviction avant. Or, dans les derniers mois, le campement a pris de l’ampleur, passant de quelques tentes à sept ou huit personnes.

«Quand j’étais ici, on était juste deux et c’était super propre alors ils nous disaient qu’on pouvait rester là», souligne Conrad Tremblay, qui a vécu dans sa tente trois ans avant de se trouver un logement, en octobre dernier.
L’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie confirme avoir été informé que le Canadien Pacifique Kansas City (CPKP) démantèlera le campement le 17 juillet, en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire.

Le CPKC collabore avec les autorités locales pour «enlever les intrus sur les propriétés ferroviaires et à proximité d’une ligne de chemin de fer active, afin de protéger la sécurité du public», a indiqué par courriel un porte-parole du CPKP, André Hannoush.
Il n’a pas précisé pourquoi, soudainement, le campement n’était plus toléré.
Contre-productif, selon une experte
Depuis le début de l’année 2024, la Ville de Montréal a démantelé au moins 110 campements de sans-abri, révélait Le Journal mardi.
«Ça ne règle absolument rien par rapport au problème, soit que les gens n’ont pas de toit. Le fait de les démanteler, c’est simplement leur dire d’aller ailleurs, qu’on ne les veut pas dans notre cour», commente Emmanuelle Bernheim, professeure de droit à l’Université d’Ottawa.
Elle souligne que la jurisprudence canadienne va dans le sens qu’on ne devrait pas démanteler les campements de sans-abri tant qu’il n’y a pas de refuges qui peuvent réellement accueillir les personnes délogées.
La Ville de Montréal a annoncé mardi qu’elle consultera la population sur la cohabitation entre les itinérants.
«On n’aspire pas à ce que la Ville devienne un hôpital ou un refuge à ciel ouvert», a martelé la mairesse, Valérie Plante.
*Nom fictif
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