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L'article provient de Salut Bonjour

«Je n’oublierai jamais les premiers clients qui sont entrés»: Ève-Marie Lortie distribue des paniers d’aide alimentaire à la Maison du Partage d’Youville

Entrevue d’Ève-Marie Lortie avec Sarah Nambukarawasam (directrice de la Maison du Partage) pour le cahier Salut Bonjour le mercredi 3 décembre 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER
Entrevue d’Ève-Marie Lortie avec Sarah Nambukarawasam (directrice de la Maison du Partage) pour le cahier Salut Bonjour le mercredi 3 décembre 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER Photo Martin Chevalier
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Ève-Marie Lortie

2025-12-05T05:00:00Z
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Salut Bonjour, chers lecteurs. Cette semaine à l’émission, nous avons parlé avec les ambassadeurs et les représentants des organismes qui bénéficient des dons amassés par la guignolée des médias. On a entendu des phrases qu’on connaît malheureusement trop bien: les besoins sont criants, le visage de la pauvreté a changé, un québécois sur cinq vit dans l’insécurité alimentaire. J’ai voulu aller voir qui était ces personnes qui demandent de l’aide. Qu’est-ce qu’il y a dans les paniers? Qui écoute et aide les démunis?

À la Maison du Partage d’Youville, dans le sud-ouest de Montréal, la dynamique, efficace et fort occupée directrice Sarah Nambukarawasam m’attendait. Je la visitais un jour de dépannage alimentaire, qui a lieu deux fois par semaine. La veille de notre rencontre, elle est allée chercher les provisions chez Moisson Montréal. Sarah a un BAC en chimie et une maîtrise en environnement. Elle ne voulait pas travailler dans des bureaux, c’est l’humain qui l’intéresse. Il y a 5 ans, elle a repris la direction de la Maison du Partage d’Youville et depuis... elle fait ce qu’elle peut pour aider. Je lui demande si c’était par envie de s’impliquer dans le communautaire. «Je considère plutôt que je gère une PME, une petite entreprise», me répond-elle.

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Entrevue d’Ève-Marie Lortie avec Sarah Nambukarawasam (directrice de la Maison du Partage) pour le cahier Salut Bonjour le mercredi 3 décembre 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER
Entrevue d’Ève-Marie Lortie avec Sarah Nambukarawasam (directrice de la Maison du Partage) pour le cahier Salut Bonjour le mercredi 3 décembre 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER Photo Martin Chevalier

Des paniers qui font la différence

Chaque semaine, entre 120 et 180 paniers sont assemblés et distribués à la Maison du Partage. Sarah et ses bénévoles organisent aussi des livraisons chez une trentaine de bénéficiaires qui ne peuvent se rendre au comptoir parce qu’ils sont trop âgés ou à mobilité réduite. D’ailleurs, le jour de ma visite, Sarah était en deuil et visiblement encore bouleversée. Un de ses bénéficiaires qu’elle visitait est décédé. Un homme ni trop jeune ni trop vieux, qui avait été gravement brûlé il y a quelque temps lors de l’incendie de son logement. Après une réadaptation de plusieurs mois et un retour chez lui, il avait succombé aux complications de ses blessures.

Après avoir terminé son histoire, Sarah a pris une lente respiration. Elle connaît ses bénéficiaires, les estime et les porte dans son cœur, mais elle sait aussi qu’elle ne peut pas tout régler dans leur vie.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

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Les paniers de nourriture coûtent 5$ à la Maison du Partage d’Youville. Pourquoi ce n’est pas gratuit? «C’est une question de dignité, tu as moins l’impression de quêter. Aussi, quand tu paies un produit, tu le respectes. On s’assure que les bénéficiaires mangent ce qu’ils ont dans le panier et évitent le gaspillage.»

Cette semaine dans les paniers, il y avait entre autres deux oranges, deux patates, un paquet d’épinards, des tomates cerises, un ananas et un concombre. Des œufs ou du lait étaient offerts, des viennoiseries et des baguettes étaient aussi disponibles. Pâtés au poulet et saucisses congelées pouvaient compléter les paniers.

Lors d’une première visite, chaque personne doit montrer une preuve de revenu. Il faut toujours s’identifier et avoir ses sacs pour transporter les provisions.

Entrevue d’Ève-Marie Lortie avec Sarah Nambukarawasam (directrice de la Maison du Partage) pour le cahier Salut Bonjour le mercredi 3 décembre 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER
Entrevue d’Ève-Marie Lortie avec Sarah Nambukarawasam (directrice de la Maison du Partage) pour le cahier Salut Bonjour le mercredi 3 décembre 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER Photo Martin Chevalier

Tous ces gens aux histoires différentes

À l’ouverture des portes, je suis au poste d’accueil avec Sarah. Je n’oublierai jamais les premiers clients qui sont entrés. Une jeune avec une belle bedaine de femme enceinte et son conjoint. Elle a 28 ans, déjà quatre enfants d’un premier conjoint. Elle m’avoue que la relation était compliquée. Elle dira que c’était toxique et que cet homme ne lui permettait pas de demander de l’aide et venir au comptoir alimentaire chercher de quoi nourrir la famille. Elle regarde son nouveau chum, de qui elle est enceinte de son cinquième. Avec du rose aux joues, elle me dit que là, les choses sont un peu plus douces. La jeune femme sortira un peu de monnaie supplémentaire pour prendre des couches pour bébés.

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Peu après, le grand Dominic à la belle barbe grise franchit les portes en souriant. Il me reconnaît de la télé. «Ah ben la belle visite icitte!!!» Je lui fais l’accolade. Dominic n’a pas d’emploi. Il est connu dans le quartier parce qu’il est tout le temps de bonne humeur et donne de son temps. C’est tout ce que je saurai de son histoire.

Ensuite viennent Véronique et sa fille Cassandre. Cassandre a 17 ans, elle a des difficultés de langage et un léger retard intellectuel. Sous le regard attendrissant de sa maman, elle me dira qu’elle me reconnaît de Salut Bonjour. Elle a une sœur jumelle et un frère. Véronique demande un panier pour quatre. «C’est un dépannage qui change tout. On n’arrive pas. Avec l’aide ici, j’ai un peu de répit.»

Une autre maman arrive accompagnée de son fils. Elle s’ouvre rapidement à moi. «Je suis bipolaire. J’ai perdu mon emploi et là je suis dans la phase dépressive. Je viens chercher de l’aide ici parce que je n’arrive pas avec l’épicerie.» Il n’y a pas de dépit dans son regard, juste une pleine conscience que là, c’est un mauvais moment à passer. Son grand gars de secondaire un est derrière, il regarde le sol. Il ne veut pas jaser, mais se porte volontaire pour porter les sacs quand viendra le temps de partir.

Un couple du Nigéria fera son entrée. Les deux sont emmitouflés dans des manteaux d’hiver en bon état, mais visiblement d’une autre époque! Ils sont souriants. Ils affrontent leur deuxième hiver au Canada, toujours sans emploi. La banque alimentaire est essentielle pour eux.

Plein d’autres sont entrés. Une dame se dépêche de prendre les deux conserves de nourriture pour chats permises dans les provisions disponibles. C’était apparemment sa priorité. J’ai entendu une autre femme demander timidement du shampoing. Cette semaine, il n’y en avait pas.

Un peu de réconfort pour Noël

«Les séparations, les maladies, la maladie mentale, l’épuisement professionnel, c’est ce qui explique souvent pourquoi les gens se tournent vers la banque alimentaire, m’explique Sarah. Oui, on a des nouveaux arrivants et des toxicomanes. Mais ce n’est vraiment pas que ça la clientèle.»

La semaine prochaine, Sarah pourra remettre, en plus du panier à 5$, le panier de Noël de Moisson Montréal. J’ai regardé ce qu’il contient. Il y a des conserves supplémentaires et des biscuits. Il y aura surtout la bienveillance de Sarah et de son équipe... et un peu de la générosité des Québécois.

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